Mondialisation et Consommation.

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Depuis le discours fondateur de la notion de consommateur du Président John F. Kennedy, au Congrès des États-Unis d’Amérique, le 15 mars 1962, beaucoup de choses ont changé dans le monde. Si l’on parle beaucoup de mondialisation, on parle aussi très souvent de protection du consommateur. Le consommateur est chacun d’entre nous, chaque individu, et son niveau d’intervention dépasse rarement celui de ses frontières nationales, alors que pour les entreprises le dépassement des frontières est bien souvent plus nécessaire que subsidiaire. Or, si les politiciens se doivent de satisfaire les entreprises, ils doivent aussi satisfaire les consommateurs, qui sont également les collaborateurs des entreprises. Il est très difficile de concilier ces différents objectifs et selon l’époque on a favorisé soit l’un, soit l’autre. Les enjeux sont de taille, car si la bonne santé économique d’une nation, qui dépend surtout des entreprises, mobilise un électorat nombreux, ce même électorat n’acceptera pas les atteintes causées à sa santé par la « vache folle », le « poulet à la dioxine », le « bœuf aux hormones » ou encore par les « Organismes Génétiquement Modifiés » (OGM). On va même plus loin dans la mesure où le bien-être des animaux a justifié l’interdiction de l’utilisation de la Somatotropine Bovine (BST) en Europe et au Canada. La plupart des producteurs européens de plats préparés ont retiré le bœuf de leur production et le label « bio » mis en place par l’Europe remporte un succès grandissant. Si les crises alimentaires sont d’envergure en Europe, il n’en reste pas moins qu’elles peuvent être plus « secrètes » ailleurs puisque de nombreux pays ont déclaré qu’aucune bête atteinte de l’Encéphalopathie Spongiforme Bovine (ESB – « vache folle ») n’était présente sur leur territoire alors qu’il a été rapidement prouvé que tel n’était pas le cas. Au niveau mondial il existe deux interprétations concernant ce que l’on appelle « le principe de précaution ». En Europe, aucun produit ne peut être mis sur le marché sans qu’il soit prouvé que son innocuité est totale. Aux États-Unis d’Amérique un produit est réputé sans risque jusqu’à preuve du contraire. Le Canada emprunte des voies moyennes, puisqu’en matière alimentaire il produit du « bœuf aux hormones » et des OGM. Également, il est souvent joint aux instances qui opposent l’Europe aux États-Unis d’Amérique à l’Organisation Mondiale du commerce (OMC). Mais le « principe de précaution » ne suffit pas à satisfaire le consommateur européen, il faut davantage répondre à des réalités sociologiques, aux risques non prouvés que certains scientifiques, devenus prudents depuis la première crise britannique de la « vache folle », agitent. Les producteurs l’ont bien compris lorsque l’on sait que 70% des Européens n’achèteront pas les produits portant la mention « Peut contenir plus de 1% d’Organismes Génétiquement Modifiés ». Ainsi, Heinz et Nestlé ont immédiatement fait savoir qu’ils garantissaient que les produits vendus en Europe seraient exempts d’OGM, car, cette mention d’information du consommateur, en vigueur depuis le 11 avril 2000, a pour conséquence de mettre à la charge du consommateur l’établissement d’un « embargo » sur ces produits dont il n’a pas été fait la preuve qu’ils présentaient un danger, mais dont le consommateur ne veut pas.

On pourrait alors imaginer que l’Europe protége pleinement ses consommateurs, mais la réalité est autre.

En France, le droit de la consommation a été longtemps une partie du code de commerce et était enseigné en droit des affaires, c’est à dire comme une matière concernant les entreprises, comme sous-produit du droit des affaires. Pour d’autres, le droit de la consommation était un élément du droit civil, c’est à dire davantage un droit de la personne, un droit du consommateur. On voit bien l’opposition existante dans ces deux analyses du droit de la consommation. Finalement la question a été tranchée avec la rédaction d’un code de la consommation en 1993 qui fit de cette branche du droit une matière autonome. Cette réalité est en fait assez « virtuelle » puisque de nombreux textes concernant le droit de la consommation subsistent dans le code de commerce et dans le code civil.

Il existe une réelle dualité du droit de la consommation et une tension entre deux analyses qui ne servent pas les mêmes intérêts.

Si en France et au Québec on peut considérer que les textes protégeant les consommateurs sont réellement fait pour les protéger, on peut davantage s’interroger sur les textes qui proviennent de l’Union Européenne (UE) qui fédère quinze pays européens.

Le droit de la consommation n’est une compétence de l’UE que depuis 1993. Antérieurement, la rédaction de textes concernant le droit de la consommation ressortait de la réalisation du marché intérieur, c’est à dire de la suppression des barrières à la libre circulation des produits en Europe. La protection du consommateur n’était pas visée directement par l’UE et selon la jurisprudence un produit légalement fabriqué dans un pays de l’UE devait pouvoir être vendu dans un autre pays de l’UE, sauf à faire la preuve d’un motif légitime de protection du consommateur. Aujourd’hui, où la libre circulation, des biens, des capitaux, des services et des personnes est pratiquement réalisée en Europe, même si les textes à vocation purement économiques persistent, on a vu des textes protégeant le consommateur apparaître au niveau européen. L’Europe s’est également montrée inflexible quant à l’importation sur son territoire de « viande carnée aux hormones ». Cette importation, interdite depuis 1989, a été reconduite malgré l’avis contraire de l’OMC, le 13 mai 1999. L’Europe doit donc verser une compensation aux États-Unis d’Amérique, compensation nécessaire lorsque l’on sait que des experts européens et américains ont apporté la preuve que l’utilisation d’hormones était cancérigène.

Cependant la mondialisation est amenée à se poursuivre, hommes, biens, services et capitaux traversent et traverseront de plus en plus les frontières, que ce soit matériellement ou virtuellement. Le crime, les maladies, les problèmes tenant aux personnes seront de moins en moins nationaux, ni même européens. Le droit de la consommation est immanquablement atteint par cela. Le droit en général est-il prévu pour résister à ce nouveau phénomène qui est d’abord économique ? Difficile à dire, sauf qu’il ne sera sans doute plus jamais le même. Peut-il encore se décider dans des enceintes où le public n’est jamais admis ? Sans doute pas, et cela l’UE l’a bien compris puisqu’elle favorise un maximum de transparence. C’est à son initiative que le Trans Atlantic Consumer Dialogue (TACD) a été lancé en 1998, pour suivre la mise en place du Trans Atlantic Business Dialogue (TABD). Et si l’Europe tient le plus grand compte des conseils du TACD ce n’est pas le cas du gouvernement des États-Unis d’Amérique. Cette enceinte ou se réunissent tous les acteurs concernés par le droit de la consommation semble cependant la seule à pouvoir répondre aux questions qui ne manqueront pas de se poser à plus ou moins court terme, car, les questions de consommation, même si elles concernent la civilisation industrialisée, la concernent dans son ensemble. L’heure est donc à la négociation et certainement pas à « l’imposition ».

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