L’acceptation du transsexualisme : la prochaine évolution ?

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Depuis 1999, le traité d’Amsterdam a inséré un article 13 dans le traité des communautés européennes proscrivant l’ensemble des discriminations. La majorité des quinze États européens s’est mise à niveau. C’est à dire que, de plus en plus, les États membres alignent les droits des personnes de sexes différents vivant ensemble avec les droits des personnes de mêmes sexes. L’homosexualité, c’est un fait, est davantage acceptée, en Occident notamment, aujourd’hui qu’il y a quelques années.

Cependant il existe un phénomène marginal, puisqu’il touche une personne sur cinquante mille, qui souffre de difficulté d’acceptation. C’est celui du transsexualisme. A la différence de l’homosexualité qui n’est plus une maladie, depuis longtemps en Occident, et depuis quelques mois en Russie, le transsexualisme a trouvé sa cause dans des explications médicales divergentes. Du point de vue de l’embryologie, les organes génitaux, définis au quatrième mois de grossesse ne seraient pas toujours en accord avec le système nerveux, du moins, émotionnelle, défini entre le quatrième et le huitième mois. Un autre point de vue tend à affirmer qu’une surproduction hormonale perturberait l’antigène HY, expression de la personnalité masculine. Car, en effet, la majorité des transsexuels sont des hommes qui sont devenus des femmes.

L’évolution jurisprudentielle, et parfois législative, de la condition des transsexuels résulte évidemment, surtout de leur propre action. Maud Marin, transsexuelle française, membre du parlement européen, est connue pour son autobiographie « Le Saut de l’Ange ». Une autre transsexuelle, ancienne star du « hard core », Georgina Beyer, siège au parlement néo-zélandais.

Du point de vue de la jurisprudence, c’est une femme devenue homme qui a porté la première affaire devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme, dont les décisions ont une force particulière vis-à-vis des quarante et un États membres du Conseil de l’Europe, distinct de l’Union européenne. Si la cour de cassation française, juridiction suprême, n’avait pas accédé à la requête de la modification de l’état civil, prénom et sexe, de la requérante transsexuelle, la cour européenne l’a fait. Elle a été ensuite suivie par la Cour de Justice des Communautés Européennes dont les décisions s’appliquent aux quinze États membres de l’Union européenne. Après la première conversion sexuelle en 1953, aux États-Unis d’Amérique, c’est depuis 1992 que le droit a été est fixé en Europe, et il l’a été par des juridictions internationales. Au New-jersey, la Cour suprême avait pris la même décision en 1976, suivie par celle d’Allemagne en 1978.

Si en Hollande, en Italie et au Québec des règles spécifiques existent en matière de transsexualisme, tel n’est pas le cas partout. En effet, en France, le parlement a renoncé, en 1994, à inclure le cas du transsexualisme dans la loi bioéthique de l’époque pour éviter une inflation de conversions sexuelles. Lorsque l’Italie a légiféré en la matière, une augmentation de 20% des conversions a été constatée. De plus, la loi italienne, permet de prononcer le divorce et la modification de l’état civil dans des formes assez simples. Le mariage est également possible. Cependant, des règles existent également dans d’autres pays, mais concernent pour la plupart, à l’origine, l’intersexualité, c’est à dire le cas des hermaphrodites. Le Danemark et la Norvège en 1935, l’Allemagne en 1969 et la Suède en 1972 ont dépénalisé la castration thérapeutique. L’Espagne, et surtout le Royaume-Uni de Grande-Bretagne, attaqué devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme afin d’autoriser le changement d’état civil, puis le droit au mariage, ont également des règles en la matière. Au Royaume-Uni, le service national de santé a pris la décision d’augmenter le budget permettant le remboursement des opérations de changement de sexe qui coûtent 19 000 CAD environ. Également, en France, depuis 1979, la conversion sexuelle est remboursée par la sécurité sociale et le code de déontologie médicale établit très précisément le processus qui doit conduire à la conversion sexuelle. Ainsi une consultation psychiatrique de deux à trois ans est organisée. Une période de travestissement est nécessaire avant de passer à une hormonothérapie de une année qui provoquera des modifications définitives de la voix et du système pileux. A ce stade, le travesti devient un transgenre car ses parties génitales restent celles qu’il avait à l’origine. Pour une part non négligeable des cas la conversion s’arrêtera à ce stade, en particulier pour les femmes devenant des hommes, car la phallo plastie, remplacement du vagin par un pénis, est une opération hasardeuse et la mise en place d’un système de pompe permettant de commander manuellement l’érection n’est pas totalement maîtrisée, et surtout « très naturelle ». Cependant, ce qui importe le plus au transsexuel est d’être considéré comme une femme ou un homme de par son sexe social et visible. Le fait d’avoir un phallus ou un vagin ne porte pas à conséquence, sauf bien sur, dans le cadre des relations amoureuses.

Si la question des transsexuels est résolue, en en faisant des femmes ou des hommes « stériles », tel n’est pas le cas des transgenres dont on voit mal à quel sexe ils peuvent appartenir. De plus, en France, où il existe un vide législatif, même en matière de transsexualisme, la situation reste toujours très périlleuse. En 1990, la Cour d’Appel d’Aix en Provence eut à connaître d’une affaire où, opéré depuis deux mois, un homme devenu une femme se suicide affirmant que même s’il n’est plus un homme, il n’est pas une femme pour autant. La famille attaquera en justice les trois médecins responsables et le Conseil de l’Ordre. Une responsabilité médicale partielle sera retenue. Or, les questions concernant le transsexualisme sont toujours teintées par la demi-mesure, se rapprochant en ce sens, un peu de la bisexualité, mais de moins en moins de l’homosexualité. D’ailleurs peut-on réellement parler d’une transsexualité ? Théoriquement elle ne devrait pas être différente de l’hétérosexualité, sauf, évidemment, à être pratiquée avec un transgenre, où l’on tombe alors dans l’homosexualité. La difficulté d’acceptation réside bien dans le fait que, notamment en France, on aime les choses cartésiennes et il est certain que le transsexualisme ne répond à aucune règle très claire. La difficulté de la cour de cassation française à toujours se résoudre au changement d’état civil en est la preuve. C’est d’ailleurs davantage une question de sociologie que de droit.

Le film de Pedro Almodovar, « Tout sur ma Mère »,  a levé le voile sur cette question peu traitée et où peu de juristes osent s’aventurer. En Europe, lorsque Dana Cohen (Dana International), transsexuelle israélite a gagné l’Eurovision (concours musical européen) en 1998, la question prenait encore plus d’ampleur car Dana apparaissait comme une transsexuelle « réussie » (et qui avait réussi). Mais Dana Cohen ne s’est pas limité à une simple hormonothérapie et à une opération de conversion pratiquée à Londres. Elle a aussi fait pratiquer une opération de chirurgie plastique générale. Visage, poitrine ou hanches ont été transformés à ses frais. Or, la plupart des transsexuels n’ont pas la possibilité de faire pratiquer de telles opérations, qui, elles, ne sont pas couvertes par les services de santé, même au Brésil où la technique est particulièrement au point. C’est aussi ce qui explique que de plus en plus de transsexuels, voire de transgenres, remodelés par la chirurgie esthétique, apparaissent comme plus séduisantes que certaines « femmes biologiques ». De plus, dans une article du London Sunday Times, le Docteur Russel Reid, psychiatre à l’hôpital Hillingdon de Londres Ouest déclarait que certains de ses patients transsexuels gagnaient plus de 250 000 CAD par an. C’est le cas de Sophie Wilson, anciennement Roger Wilson, qui préside la société londonienne de programmes informatiques Eidos. Les transsexuels disent souvent qu’elles doivent travailler plus dur que d’autres pour affirmer qu’elles sont « aussi bonnes que d’autres » et qu’elles aient le droit à être reconnues comme des femmes comme les autres. Beaucoup font tous les efforts qu’il est possible de faire mais quel serait notre comportement face au transsexualisme d’un de nos proches, face à l’engagement dans une relation amoureuse avec un transsexuel ou un transgenre ? Le droit et la science n’ont aucune réponse à ces questions. Il s’agit d’une interrogation à qui chacun d’entre nous doit répondre « en son âme et conscience » …

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