Les
Droits Fondamentaux comme Principes Généraux du Droit
en Droit Communautaire.
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1.1.
Le poids de l’Histoire et la Reconnaissance de la CJCE.
1.1.1.
Les juridictions allemandes et italiennes.
1.1.2.
La CJCE et les droits fondamentaux.
1.1.2.2.
La reconnaissance des droits fondamentaux.
1.1.2.3.
La protection des droits fondamentaux par les constitutions des États Membres.
1.1.2.4.
Les conventions internationales.
1.1.2.6.
Une protection limitée aux attributions communautaires.
1.2.
La Consolidation du principe par les Traités.
1.2.3.
Le Traité sur l’Union Européenne.
2.
Nature des Droits Fondamentaux protégés comme Principes Généraux en Droit
Communautaire.
2.1.
Les droits fondamentaux empruntés aux traditions constitutionnelles des États
Membres.
2.1.1. Une
problématique. L’arrêt SPUC.
2.1.2.
Les droits fondamentaux empruntés aux traditions constitutionnelles des États Membres.
2.1.2.1.
Le droit de propriété.
2.1.2.3.
Droits de la défense.
2.2.
Les droits fondamentaux empruntés à la CEDH.
2.2.2.
Droit à la vie de famille.
2.2.3.
Le Respect à la vie privée.
Conclusion.
Les Apports du Traité d’Amsterdam.
L’Union Européenne se base sur l’idéal
politique de paix. L’unité est d’une grande importance dans cette
perspective. Les quatre libertés concourent à cet objectif. La liberté, au
sens général du terme, implique la solidarité des États membres entre eux.
Ces valeurs conduisent à la sécurité.
Une des valeurs importante en Europe est la
protection des droits fondamentaux des citoyens.
A ce titre l’intégration de la déclaration des
droits de l’homme et du citoyen de 1789 dans de nombreuses constitutions, pas
seulement celle de la France, est significative.
En effet, dès 1849 on retrouve un texte très proche
au Danemark.
La déclaration se base sur l’individualisme libéral
et l’universalisme révolutionnaire. Elle introduit les principes d’égalité,
de liberté, de propriété et de résistance à l’oppression. Si le principe
d’une accusation et d’une détention selon la loi (article
7), de non-rétroactivité (article
8) et de présomption d’innocence (article
9) existent, c’est la déclaration Girondine du 26 février 1793 qui
rajoutera le principe de sûreté. Mais la déclaration n’a aucune valeur en
droit international, au sens strict.
La Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme
et des Libertés Fondamentales, de 1950, dite CEDH est aussi un élément
d’une importance primordiale. Cette convention énonce quinze articles
concernant les droits fondamentaux et plusieurs protocoles additionnels sont
annexés.
Elle a été ratifiée par les quinze membres de l’Union
Européenne et le recours direct à la Cour Européenne des Droits de l’Homme
de l’article 25 de la CEDH a fait
l’objet d’une déclaration de chacun de ces pays. Tous ont signé ou même
ratifié le protocole n°6
interdisant la peine de mort. Beaucoup de pays de l’Est ont procédé de même.
La CEDH est une déclaration différente de celle de
1789. Il est question du droit à la vie (article
2), qui n’interdit ni la peine de mort (sauf ratification du protocole n°6)
ni l’avortement et de la prohibition de la torture (article 3) qui fait aussi l’objet d’une convention spéciale,
la convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou
traitements inhumains ou dégradants de 1987 dont le contrôle est moins
efficace que celui institué par la CEDH.
Également prohibé, l’esclavage (article 4). La liberté et la sûreté (article 5), la garantie d’un procès équitable dans « un délai
raisonnable » (article 6), la
non-rétroactivité du droit et l’application immédiate de la loi pénale
plus douce (article 7), le droit au
respect de la vie privée et familiale (article
8), la liberté de penser, de conscience et de religion sont protégés
(article 9).
En 1979, la Commission a suggéré un contrôle des
actes de la communauté selon la CEDH. Cette idée était inacceptable car si
beaucoup d’États, dont la France au regard de l’article 55 de sa
constitution, avaient intégré la CEDH dans leur droit national, tel n’était
pas le cas du Royaume Uni, même s’il permet le recours à l’article 25 de
la CEDH.
Le Parlement européen a adopté le 12 avril 1989 une
déclaration sur les droits et libertés fondamentales en 28 articles, n’ayant
aucune force juridique.
La Cour de Justice des Communautés Européennes
(CJCE) a rendu un avis défavorable quant à l’adhésion de la communauté à
la CEDH. La Commission des Communautés Européennes fut attaquée devant la
Commission de la CEDH, mais cette dernière a jugé le recours irrecevable. La
CJCE a déclarée que la communauté n’avait pas vocation à adhérer à la
CEDH car la commission n’avait pas de compétence en matière de droit de
l’homme.
Si la communauté adhérait à le CEDH il y aurait
valeur inférieure de la CEDH par rapport au droit originaire au terme de l’article
228. Cependant la CEDH serait applicable directement aux États membres et
le Royaume-Uni n’accepte pas cette applicabilité directe.
Si la Communauté Européenne de Défense du 27 mai
1952 proposait l’intégration des droits fondamentaux et droits de l’homme
dans son traité, il n’y a rien sur le sujet dans les traités des communautés
européennes (CE) à la différence de la constitution des États membres.
Mais les traités donnent tout de même quelques
solutions, solutions qui ont toujours existé dans les traités communautaires.
L’article 6
du Traité sur l’Union Européenne (12
du Traité d’Amsterdam) interdit la discrimination. Il existait déjà du
temps du Traité de Rome (article 7).
(Affaire
Stephen Austin Saldanha et MTS Securities Corporation contre Hiross Holding A.G.
122/96).
L’article 119
(141 du Traité d’Amsterdam) assure l’égalité de salaire entre homme et femme. Une directive
européenne établira prochainement une présomption de faute de l’employeur.
Ce dernier devra prouver le respect de ce texte.
Il existe également quatre libertés qui constituent
un droit fondamental communautaire.
Il s’agit de la libre circulation des travailleurs (articles
48 ou 39 du Traité d’Amsterdam et
Affaire
Hessische Knappschaft 44/65), de la liberté d’établissement (article 52 ou 43), de la libre prestation de service (articles
59 ou 49) et de la libre circulation des marchandises (articles
9 et suivants ou 23 et suivants).
Il y a aussi reconnaissance du droit d’association,
mais pas des associations d’un État à l’autre comme les sociétés (articles
58 ou 48), comme cela avait été demandé durant le débat concernant la
Conférence Intergouvernementale (articles
118 ou 137 et
Affaire
Union Syndicale 175/73), le droit de pétition (articles
138D ou 194), le droit à la protection du secret des affaires et du secret
professionnel (articles 214 ou 287 et
Affaire
Akzo 53/85).
Si le droit d’association et le droit syndical,
ainsi que celui du secret étaient suffisamment reconnus dans tous les États
membres pour être inscrits dans les traités, la reconnaissance du droit de pétition
est une création inspirée par le droit britannique.
La plupart des droits fondamentaux sont donc déjà
reconnus dans les traités, mais la
reconnaissance de principes généraux du droit joue un grand rôle. Ces
principes sont non écrits et le juge est réputé les appliquer et non les créer.
Les principes généraux sont néanmoins d’une efficacité relative. En effet,
ils sont inférieurs au droit originaire et dérivé communautaire. Il existe
une exception; celle des droits fondamentaux qui, en tout état de cause,
priment. Partie des principes généraux communs aux Etats membres, ils n’ont
aucune fonction supplétive mais, au contraire, agrégative en s’intégrant au
droit communautaire. Une fois « découverts » il est impossible de
revenir sur ces derniers malgré l’avis du parlement européen.
Cependant, la reconnaissance des droits fondamentaux,
spécifique à la communauté européenne comme organisation internationale,
comme principes généraux du droit par la CJCE a été progressive et prend
plusieurs formes (1). Ces droits étant nombreux, il faudra citer quelques
exemples (2).
La reconnaissance de la protection des droits
fondamentaux n’a pas été une volonté pour la CJCE mais une nécessité due
au poids de l’histoire et à l’intervention allemande et italienne. La CJCE
a d’abord refusé d’appliquer les droits fondamentaux. Cette reconnaissance
a été progressive et son efficacité relative (1.1). Les États membres ont
finalement reconnu, eux aussi, progressivement, cette faculté de contrôle que
s’est donnée la CJCE sous
couvert des principes généraux du droit (1.2).
1.1.
Le poids de l’Histoire et la Reconnaissance de la CJCE.
Nous l’avons dit, l’idée de la CECA puis de la
CEE était politique. Il s’agissait par une intégration des économies d’éviter
la guerre. L’Allemagne et l’Italie, sous le poids de leur histoire, ont
apporté une attention particulière aux droits fondamentaux (1.1.1), attention
qui a contraint la CJCE à en tenir compte (1.1.2).
1.1.1.
Les juridictions allemandes et italiennes.
En octobre 1967 la Cour suprême allemande de
Karlsruhe exprima une réserve sur la primauté du droit communautaire dans un
cas. Elle indiqua que le transfert de compétences à la Communauté ne saurait
priver les citoyens des garanties constitutionnelles en matière de droit
fondamentaux.
La Cour constitutionnelle italienne exprima des
doutes semblables quelques années plus tard.
Néanmoins, jamais les Cours ne firent usage de ces réserves.
En effet, le
27 décembre
1973, dans une affaire Frontini contre Ministero delle Finanze,
la Cour constitutionnelle italienne met fin à ses doutes.
En
1987, dans une affaire
Wuensche Handelsgessellschaft, la Cour suprême allemande reconnaît que la CJCE protège les droits
fondamentaux et lève ses réserves.
1.1.2.
La CJCE et les droits fondamentaux.
La CJCE rejeta l’idée d’une protection des
droits fondamentaux par des textes communautaires. Cela confirme donc le fait
que la protection des droits fondamentaux découle du système des principes généraux
du droit.
Fridriech
Stork & Co contre Haute Autorité (1/58)
Geitling
contre Haute Autorité (36-8, 40/59)
Sgarlata
contre Commission (40/64)
1.1.2.2.
La reconnaissance des droits fondamentaux.
Le
12 novembre 1969 ,dans une
affaire Stauder contre Ulm (29/69), le bénéficiaire d’une pension de guerre avait considéré comme
une atteinte à sa dignité et au principe d’égalité le fait de devoir
donner son nom pour l’achat du « beurre de Noël ».
La CJCE avait considéré que donner le nom n’était
pas nécessaire et qu’il était superflu d’examiner le moyen de la violation
du droit fondamental mais précisait qu’elle devait faire respecter les droits
fondamentaux faisant partie des principes généraux de l’ordre communautaire.
La CJCE voulait ainsi faire appliquer directement le
droit communautaire, mais en 1970, la France n’ayant pas encore ratifié la
CEDH, la CJCE ne s’y réfère pas explicitement.
1.1.2.3.
La protection des droits fondamentaux par les constitutions des États Membres.
Le
17 décembre 1970, dans une
affaire International Handelsgessellschaft (11/70) la CJCE déclara que « la sauvegarde de ces droits (fondamentaux), tout en
s’inspirant des traditions constitutionnelles communes aux États membres, doit être assurée dans le cadre de la structure et des
objectifs de la Communauté ». Ce sont donc les constitutions des États
membres qui seront d’abord visées.
1.1.2.4.
Les conventions internationales.
Le
14 mai 1974, dans une affaire
Nold contre Commission (4/73) la CJCE déclara pouvoir prendre en considération non seulement la
constitution des états membres mais aussi « les
instruments internationaux concernant la protection des droits de l’homme
auxquels les États
membres ont coopéré ».
Ainsi, le 15 juin 1978, dans une
affaire G.Defrenne contre Société Sabena (149/77), la CJCE au point 28 de son arrêt fait référence
à la Charte sociale européenne du 18 novembre 1961 et à la Convention 111 de
l’Organisation Mondiale du Travail, mettant largement en application les
dispositions de l’arrêt Nold.
Le document le plus important, ratifié par les
quinze, est donc la CEDH qui fut évoquée la première fois en
1975
dans un arrêt Rutili (36/75) ainsi qu’en de nombreuses occasions par la suite.
Hauer contre Land Rheinland-Pfalz (44/79)
National
Panasonic contre Commission (136/79)
Johnson
contre R.U.C (222/84)
Dès
1975, la CJCE contrôle le droit national par
rapport aux droits fondamentaux. Dans
l’affaire
Rutili contre Ministre de l’Intérieur (36/75), le Ministre français de l’intérieur restreint
la liberté de circulation d’un Italien en violant l’article 48 des traités établissant la libre circulation. Cette
décision avait été prise au regard de la
directive 64/221 et du règlement 1612/68, mais la CJCE, outre ces textes,
se base sur la CEDH en déclarant, en son point 32, que:
«(...) ces limitations (...) sont la manifestation spécifique
d’un principe plus général consacré par les articles 8, 9, 10 et 11 de la
CEDH (...) ratifiée par tous les États membres (...) qui dispose que les atteintes portées, en vertu des
besoins de l’ordre et de la sécurité publique, aux droits garantis par les
articles cités ne sauraient dépasser le cadre de ce qui est nécessaire à la
sauvegarde de ces besoins « dans une société démocratique ». »
1.1.2.6.
Une protection limitée aux attributions communautaires.
Le résumé de l’argumentation de la CJCE tient
dans les
points
12 et 13 de l’affaire Daniele Annibaldi contre Sindaco del Commune di Guidonia,
Presidente Regione Lazio (309/96) du 18 décembre 1997:
« Il convient de rappeler d’emblée que, selon une jurisprudence
constante, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux
du droit dont la Cour assure le respect. A cet effet, la Cour s’inspire des
traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments
internationaux concernant la protection des droits de l’homme auxquelles les États membres ont coopéré ou adhéré. La convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 revêt, à
cet égard, une signification particulière. Comme la Cour l’a également précisé,
il en découle que ne sauraient être admises dans la Communauté des mesures
incompatibles avec le respect des droits de l’homme ainsi reconnus et
garantis. »
La CJCE fait référence, en ce point, à son
arrêt
Elleniki Radiophonia Tileorasia contre Dimotiki Etairia Ploroforissis (260/89)
du 18 juin 1991. La CJCE ne contrôle que les textes nationaux entrant dans le champ
d’application du droit communautaire comme elle le précise ensuite:
« Il
ressort de la jurisprudence de la Cour
(Arrêt Kremzow (299/95) 29
mai 1997) que, lorsqu’une réglementation nationale entre dans le champ
d’application du droit communautaire, la Cour, saisie à titre préjudiciel,
doit fournir tous les éléments d’interprétation nécessaires à l’appréciation,
par la juridiction nationale, de la conformité de cette réglementation avec
les droits fondamentaux dont la Cour assure le respect, tels qu’ils résultent,
en particulier, de la CEDH. En revanche, elle n’a pas compétence à l’égard
d’une réglementation nationale qui ne se situe pas dans le cadre du droit
communautaire. »
Précisément dans cet arrêt, la Cour se déclare
incompétente car la réglementation en cause ne relève pas du droit
communautaire.
Pour conclure sur ces questions, dans un discours au
Centre Européen pour les Études Européennes de Harvard en 1987, le Juge
Mancini de la CJCE déclarait:
« En
premier lieu la contribution des cours allemande et italienne a forcé la CJCE
à protéger les droits fondamentaux. Dans un second temps, les droits nationaux
ont freiné les efforts de la CJCE . »
1.2.
La Consolidation du principe par les Traités.
Le 5 avril 1977, une déclaration commune sur les
droits fondamentaux était signée par le parlement, la commission et le conseil
sous l’influence de la jurisprudence de la CJCE.
En avril 1978, les chefs d’État
et de gouvernement s’associaient à cette déclaration.
C’est en 1986 pour la première fois que les
principes reconnus par les CJCE furent incluent dans les traités. L’Acte
Unique Européen dispose dans son préambule:
« Les hautes parties contractantes (...) Décidés à promouvoir
ensemble la démocratie en se fondant sur les droits fondamentaux reconnus dans
les constitutions et les lois des États membres, dans la convention de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales et la charte sociale européenne, notamment la
liberté, l’égalité et la justice sociale (...) Ont décidé d’établir le
présent Acte (...) »
1.2.3. Le Traité sur l’Union Européenne.
En 1992, le Traité sur l’Union Européenne, dit de
Maastricht, dispose dans son article F.2:
« L’Union respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont
garantis par la convention européenne des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et tels qu’ils résultent
des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire. »
Cet article F.2 a été maintenu dans le nouveau
Traité d’Amsterdam de 1997 et devient l’article 6.2.
Cependant il restreint le champ de la CJCE à la CEDH
et aux traditions constitutionnelles des États membres, traditions pour inclure
le cas particulier du Royaume-Uni qui n’a pas de constitution écrite, mais
aussi applicable aux autres Etats. Il n’est pas prévu que la CJCE puisse se
servir d’autres instruments internationaux pour agir, si ce n’est que
ceux-ci soient intégrés dans le droit constitutionnel d’un Etat membre. Le
deuxième pilier échappe au contrôle malgré les demandes du parlement européen.
Le troisième pilier, les affaires intérieures et de justice, est communautarisé
par Amsterdam. Ainsi certains se demandent si le contrôle de la Cour Européenne
des Droits de l’Homme de Strasbourg ne prendra pas moins d’importance. La
CJCE n’applique pas les principes de la CEDH de façon optimale et le standard
risque de baisser. Le recours individuel communautaire est plus restrictif et
sur ces questions le recours préjudiciel est interdit, il s’agit d’une compétence
limitée de la CJCE. En fait il y a complémentarité des deux juridictions, la
non-intégration de la CEDH dans les traités posant des problèmes en matière
d’immigration.
2.
Nature des Droits Fondamentaux protégés comme Principes Généraux en Droit
Communautaire.
Nous le savons, les principes généraux du droit en
droit communautaire protégeant les droits fondamentaux sont de deux sortes.
Certains ressortent des traditions constitutionnelles des États membres (2.1)
et d’autres de la CEDH (2.2) sans oublier que beaucoup se retrouvent, et dans
les traditions constitutionnelles et dans la CEDH.
2.1.
Les droits fondamentaux empruntés aux traditions constitutionnelles des États
Membres.
Les droits fondamentaux, partie des principes généraux
du droit communs aux États membres, se distinguent du sens strict de ce terme
en ce sens que l’on retire ces droits fondamentaux
des traditions constitutionnelles et non de l’ordre
infra-constitutionnel. Néanmoins il est utile de préciser qu’il existe une
problématique quant aux principes que l’on retient et à ceux que l’on
disqualifie (2.1.1). Nous citerons ensuite, sans vouloir être exhaustif,
quelques exemples (2.1.2)
2.1.1.
Une problématique. L’arrêt SPUC.
Le
4 octobre 1991,
la CJCE a dû connaître
l’affaire
The Society for the Protection of Unborn Children Ireland Ltd (Société pour la
Protection des Enfants non nés ou SPUC) contre Stephen Grogan et consorts
(159/90).
Des étudiants distribuaient des informations sur les
cliniques pratiquant légalement l’avortement au Royaume Uni. Il s’agissait
d’un conflit entre le droit communautaire et la constitution irlandaise qui
garantit le droit à la vie de l’enfant à naître.
Ce droit a été élargi à la mère en 1983, par référendum,
sans que rien ne change quant à l’interdiction de l’avortement. Cette
modification était rendue nécessaire afin d’éviter le classement de l’Irlande
dans les pays ayant une politique d’avortement très restrictive.
En
1976,
dans une affaire I.R.C.A (7/76), l’avocat général Warner déclara qu’un droit
fondamental reconnu par la constitution d’un seul Etat membre doit être
reconnu par toute la Communauté.
La CJCE s’est placée sous un autre angle. Elle a
refusé tout jugement moral et a disposé qu’elle n’était pas compétente
pour déterminer des activités pratiquées légalement ou pas. Ensuite, elle
rappelle que sur la base des articles 59
et 60 des traités, 49 et 50 dans le Traité d’Amsterdam, l’avortement
est un service qui peut être fourni librement sur tout le territoire
communautaire et qu’ainsi la distribution d’une documentation sur les
cliniques pratiquant légalement l’avortement au Royaume Uni est conforme au
droit communautaire et l’interdire serait en revanche une violation. Il n’en
reste pas moins que la CJCE n’accorde donc pas le droit à la vie à
l’enfant non né.
Comme nous l’avons dit plus haut, la CJCE assure la
protection des quatre libertés reconnues par les traités comme droits
fondamentaux communautaires.
Ainsi, dans une
affaire
Procureur de la République contre A.D.B.H.U (240/83) la CJCE déclare que:
« (...)
la liberté de circulation des biens et la liberté du commerce comme droit
fondamental, sont des principes généraux du droit communautaire dont la Cour
assure la protection ».
Cet arrêt montre que la CJCE sélectionne les
principes qu’elle désire élever au rang de droit fondamental dans les
constitutions. Dans la jurisprudence de la CJCE on constate que la CJCE ne
retient pas un principe parce que la majorité des États membres le retient,
mais beaucoup plus quand celui-ci est adaptable au droit communautaire, en fait,
utile au juge.
2.1.2. Les droits fondamentaux empruntés aux traditions
constitutionnelles des États Membres.
2.1.2.1.
Le droit de propriété.
Ce droit est protégé en tout premier lieu par la déclaration
de 1789, donc par la constitution française. Cependant, en 1952, le premier
protocole additionnel de la CEDH reconnaît aussi ce droit. Cela ne veut pas
dire que la propriété est un droit absolu. En effet, une restriction d’intérêt
général est permise, mais jamais une privation. C’est ce que rappelle
l’affaire
Wachauf contre RFA (5/88) en 1989
en qualifiant une « expropriation
inconstitutionnelle sans compensation ».
Dans des espèces qui ne sont pas étrangères à la
précédente, et reconnue par la déclaration des droits de l’homme en ce qui
concerne la charge publique, l’égalité en économie est protégée notamment
en ce qui concerne la réglementation économique
(Hauts
fourneaux et aciéries belges. (8/57).) ou encore la distinction entre impôts, taxes et redevances
(IGF
van Leuwen. (32/67).). Cette égalité reste relative puisque l’harmonisation complète
n’existe pas en droit communautaire.
2.1.2.3.
Droits de la défense.
Beaucoup de ces droits s’inspirent de principes
britanniques. On l’a dit, le Royaume-Uni n’a pas de constitution écrite
mais seulement des traditions constitutionnelles. De plus, la constitution américaine
qui reprend bon nombre de principes britanniques dans le domaine permet de
distinguer les normes supra-législatives.
Cela concerne la règle qui lie les juridictions
internes à des appréciations portées en droit par la juridiction supérieure,
que l’on retrouve dans le « binding
precedent » et dans l’obligation en appel de juger comme en
cassation après second renvoi.
Rheinmühlen.
(166/47 et 146/73)
Le « legal
privilege » britannique est
également un droit fondamental de valeur constitutionnelle. Il inclut le droit
à la confidentialité dans les communications entre le client et l’avocat
(AM&S
Europe Ltd. contre Commission. (155/79) 1982.)
ainsi que l’inviolabilité du domicile
(Hoechst. (46/87 et 227/88).
Mais on peut néanmoins y voir également l’article 8 de la CEDH.
En matière de « due
process » sont reconnus le droit au juge
(Johnston.
(222/84) 1986)
et non à un jury ainsi que le droit au recours juridictionnel
(Borelli. (97/91).).
On reconnaît aussi le principe du contradictoire
dans
une
affaire S.N.U.P.A.T (42 et 49/59) qui dispose que:
« ce
serait violer un principe élémentaire de droit que de baser une décision
judiciaire sur des faits et documents dont les parties elles-mêmes ou l’une
d’entre elles n’ont donc pas été en mesure de prendre position ».
2.2.
Les droits fondamentaux empruntés à la CEDH.
Le principe de non-rétroactivité du droit est
mentionné à l’article 7 de la CEDH.
Kent Kirk.
(63/83) 1984.
2.2.2.
Droit à la vie de famille.
L’article 12 de la CEDH impose le droit à une vie
de famille normale. Le travailleur qui use de l’article 48 du traité CE sur
la libre circulation des travailleurs peut vivre avec sa famille.
Aissattou
Diatta. 267/83. 13/2/1985.
2.2.3.
Le Respect à la vie privée.
C’est l’article 8 de la CEDH.
Commission
contre Allemagne. (62/90). 1992.
Vie privée et secret médical.
C’est l’article 10 de la CEDH. A noter cependant
qu’en Suède la loi sur la liberté d’expression (yttrabdefrihetsgrundlagen)
de 1991 fait partie des quatre normes constitutionnelles.
Schräder. (100/88.)
Ter Voort.
(219/91.)
Conclusion.
Les Apports du Traité d’Amsterdam.
En fait c’est surtout au niveau de la
discrimination qu’une évolution est à constater dans le traité
d’Amsterdam.
En 1995, en l’absence de clause
anti-discriminatoire de portée générale, la Commission avait annoncé son
intention de proposer comme mesure
intérimaire l’inclusion d’une clause anti-discriminatoire pour tous les
domaines relevant de sa compétence. Ces clauses s’inspiraient de la CEDH et
de l’article 6 du Traité sur l’Union
Européenne.
La directive communautaire « Télévision sans
Frontière » qui oblige les États membres à « assurer que les programmes ne contiennent aucune incitation à
la haine fondée sur la race, le sexe la religion ou la nationalité »
en est un exemple.
A la même date, le parlement vota une résolution
concernant l’égalité des chances dans la recherche d’un emploi.
L ’article
7 de la Consolidation du Traité sur l’Union Européenne
prévoit que le Conseil agissant unanimement sur proposition de la Commission et
après consultation du Parlement pourra prendre toute mesure utile pour
combattre la discrimination. Il sera aussi possible, ainsi, de suspendre les
droits d’un État membre violant les droits fondamentaux. Mais la mise en
oeuvre de ce procédé est très lourde.
De plus, depuis déjà plusieurs années, malgré les
demandes répétées des institutions européennes, la Grèce inscrit la
religion de ses ressortissants sur leur carte d’identité et s’oppose à
l’objection de conscience ce qui est, semble-t-il, une violation manifeste de
l’article 12 de la CEDH. Au Conseil de l’Europe, pendant le régime des
colonels la Grèce s’est retirée avant de se faire exclure. La Turquie, elle,
reste, car on juge cela préférable. Le contrôle politique est inefficace et
la CJCE n’a pas de contrôle sur cet article.
La
Consolidation du Traité de Rome consacre un chapitre aux « principes généraux
sous-jacents à l’union ».
Les articles 12
et 13 du
nouveau traité établissent une protection contre toutes les sortes de
discriminations. Ces articles sont très proches des articles 225-1 du nouveau
code pénal et 122-45 du code du travail français. Cependant, la prise de décisions
sur la base de ces articles nécessite des conditions proches de celles de
l’article 7.
Ainsi le groupe d’ONG « Ligne de départ »
a demandé qu’une directive significative soit prise sur la base de ces
articles dès la ratification du nouveau traité afin de s’assurer que ces
articles ne soient pas de simples déclarations d’intentions.
Helena Torres Marques, député au parlement européen,
n’est pas satisfaite. Elle déclare
«
Le nouvel article autorise seulement « une action appropriée pour lutter
contre la discrimination » exigeant un vote à l’unanimité du Conseil.
C’est vraiment trop restrictif et pas du tout démocratique. »
Cependant il n’en reste pas moins qu’à trop
vouloir protéger les droits fondamentaux on aboutit parfois à des situations
difficiles. C’est le cas de la décision de la Cour Européenne des Droits de
l’Homme en 1992 qui autorise les transsexuels à changer de prénom sur la
base des articles 8 et 12 et condamne la France pour s’y être opposée. Les
transsexuels sont donc considérés comme des femmes à part entière. Mais sans
porter de jugement moral qu’arrivera-t-il quand, comme récemment dans l’État
de New York, il faudra prononcer un divorce pour dol, concernant précisément
la dissimulation de l’état de transsexuel ?
Contentieux Communautaire. Jean Boulouis. Marco
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