Les Droits Fondamentaux comme Principes Généraux du Droit  en Droit Communautaire.

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Introduction.

            1. La déclaration de 1789.

            2. La CEDH.

            3. La CE et la CEDH.

            4. La CED et les Traités.

1. La Reconnaissance de la Protection des Droits Fondamentaux comme Principes Généraux en Droit Communautaire.

            1.1. Le poids de l’Histoire et la Reconnaissance de la CJCE.

                        1.1.1. Les juridictions allemandes et italiennes.

                         1.1.2. La CJCE et les droits fondamentaux.

                                    1.1.2.1. Le refus de l’écrit.

               1.1.2.2. La reconnaissance des droits fondamentaux.

                                    1.1.2.3. La protection des droits fondamentaux par les constitutions des États Membres.

                                    1.1.2.4. Les conventions internationales.

                                     1.1.2.5. La CEDH.

                                    1.1.2.6. Une protection limitée aux attributions communautaires.

            1.2. La Consolidation du principe par les Traités.

                        1.2.1. Les déclarations.

                         1.2.2. L’AUE.

                         1.2.3. Le Traité sur l’Union Européenne.

                         1.2.4. Le Traité d’Amsterdam.

2. Nature des Droits Fondamentaux protégés comme Principes Généraux en Droit Communautaire.

             2.1. Les droits fondamentaux empruntés aux traditions constitutionnelles des États Membres.

                        2.1.1. Une problématique. L’arrêt SPUC. 

                         2.1.2. Les droits fondamentaux empruntés aux traditions constitutionnelles des États Membres.

                                    2.1.2.1. Le droit de propriété.     

                                    2.1.2.2. Égalité en Économie.

                                    2.1.2.3. Droits de la défense.

           2.2. Les droits fondamentaux empruntés à la CEDH.

                        2.2.1. Droits de la défense.

                        2.2.2. Droit à la vie de famille.

                        2.2.3. Le Respect à la vie privée.

                        2.2.4. Liberté d’Expression.

Conclusion. Les Apports du Traité d’Amsterdam.

Bibliographie.

*

Introduction.

L’Union Européenne se base sur l’idéal politique de paix. L’unité est d’une grande importance dans cette perspective. Les quatre libertés concourent à cet objectif. La liberté, au sens général du terme, implique la solidarité des États membres entre eux. Ces valeurs conduisent à la sécurité.

Une des valeurs importante en Europe est la protection des droits fondamentaux des citoyens.

            1. La déclaration de 1789.

A ce titre l’intégration de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dans de nombreuses constitutions, pas seulement celle de la France, est significative.

En effet, dès 1849 on retrouve un texte très proche au Danemark.

La déclaration se base sur l’individualisme libéral et l’universalisme révolutionnaire. Elle introduit les principes d’égalité, de liberté, de propriété et de résistance à l’oppression. Si le principe d’une accusation et d’une détention selon la loi (article 7), de non-rétroactivité (article 8) et de présomption d’innocence (article 9) existent, c’est la déclaration Girondine du 26 février 1793 qui rajoutera le principe de sûreté. Mais la déclaration n’a aucune valeur en droit international, au sens strict.

            2. La CEDH.

La Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, de 1950, dite CEDH est aussi un élément d’une importance primordiale. Cette convention énonce quinze articles concernant les droits fondamentaux et plusieurs protocoles additionnels sont annexés.

Elle a été ratifiée par les quinze membres de l’Union Européenne et le recours direct à la Cour Européenne des Droits de l’Homme de l’article 25 de la CEDH a fait l’objet d’une déclaration de chacun de ces pays. Tous ont signé ou même ratifié le protocole n°6 interdisant la peine de mort. Beaucoup de pays de l’Est ont procédé de même.

La CEDH est une déclaration différente de celle de 1789. Il est question du droit à la vie (article 2), qui n’interdit ni la peine de mort (sauf ratification du protocole n°6) ni l’avortement et de la prohibition de la torture (article 3) qui fait aussi l’objet d’une convention spéciale, la convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants de 1987 dont le contrôle est moins efficace que celui institué par la CEDH.

Également prohibé, l’esclavage (article 4). La liberté et la sûreté (article 5), la garantie d’un procès équitable dans « un délai raisonnable » (article 6), la non-rétroactivité du droit et l’application immédiate de la loi pénale plus douce (article 7), le droit au respect de la vie privée et familiale (article 8), la liberté de penser, de conscience et de religion sont protégés  (article 9).

            3. La CE et la CEDH.

En 1979, la Commission a suggéré un contrôle des actes de la communauté selon la CEDH. Cette idée était inacceptable car si beaucoup d’États, dont la France au regard de l’article 55 de sa constitution, avaient intégré la CEDH dans leur droit national, tel n’était pas le cas du Royaume Uni, même s’il permet le recours à l’article 25 de la CEDH.

Le Parlement européen a adopté le 12 avril 1989 une déclaration sur les droits et libertés fondamentales en 28 articles, n’ayant aucune force juridique.

La Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) a rendu un avis défavorable quant à l’adhésion de la communauté à la CEDH. La Commission des Communautés Européennes fut attaquée devant la Commission de la CEDH, mais cette dernière a jugé le recours irrecevable. La CJCE a déclarée que la communauté n’avait pas vocation à adhérer à la CEDH car la commission n’avait pas de compétence en matière de droit de l’homme.

Si la communauté adhérait à le CEDH il y aurait valeur inférieure de la CEDH par rapport au droit originaire au terme de l’article 228. Cependant la CEDH serait applicable directement aux États membres et le Royaume-Uni n’accepte pas cette applicabilité directe.

            4. La CED et les Traités.

Si la Communauté Européenne de Défense du 27 mai 1952 proposait l’intégration des droits fondamentaux et droits de l’homme dans son traité, il n’y a rien sur le sujet dans les traités des communautés européennes (CE) à la différence de la constitution des États membres.

Mais les traités donnent tout de même quelques solutions, solutions qui ont toujours existé dans les traités communautaires.

L’article 6 du Traité sur l’Union Européenne (12 du Traité d’Amsterdam) interdit la discrimination. Il existait déjà du temps du Traité de Rome (article 7). (Affaire Stephen Austin Saldanha et MTS Securities Corporation contre Hiross Holding A.G. 122/96).

L’article 119 (141 du Traité d’Amsterdam) assure l’égalité de salaire entre homme et femme. Une directive européenne établira prochainement une présomption de faute de l’employeur. Ce dernier devra prouver le respect de ce texte.

Il existe également quatre libertés qui constituent un droit fondamental communautaire.

Il s’agit de la libre circulation des travailleurs (articles 48 ou 39 du Traité d’Amsterdam et Affaire Hessische Knappschaft 44/65), de la liberté d’établissement (article 52 ou 43), de la libre prestation de service (articles 59 ou 49) et de la libre circulation des marchandises (articles 9 et suivants ou 23 et suivants).

Il y a aussi reconnaissance du droit d’association, mais pas des associations d’un État à l’autre comme les sociétés (articles 58 ou 48), comme cela avait été demandé durant le débat concernant la Conférence Intergouvernementale (articles 118 ou 137 et Affaire Union Syndicale 175/73), le droit de pétition (articles 138D ou 194), le droit à la protection du secret des affaires et du secret professionnel (articles 214 ou 287 et Affaire Akzo 53/85).

Si le droit d’association et le droit syndical, ainsi que celui du secret étaient suffisamment reconnus dans tous les États membres pour être inscrits dans les traités, la reconnaissance du droit de pétition est une création inspirée par le droit britannique.

La plupart des droits fondamentaux sont donc déjà reconnus dans les traités,  mais la reconnaissance de principes généraux du droit joue un grand rôle. Ces principes sont non écrits et le juge est réputé les appliquer et non les créer. Les principes généraux sont néanmoins d’une efficacité relative. En effet, ils sont inférieurs au droit originaire et dérivé communautaire. Il existe une exception; celle des droits fondamentaux qui, en tout état de cause, priment. Partie des principes généraux communs aux Etats membres, ils n’ont aucune fonction supplétive mais, au contraire, agrégative en s’intégrant au droit communautaire. Une fois « découverts » il est impossible de revenir sur ces derniers malgré l’avis du parlement européen.

Cependant, la reconnaissance des droits fondamentaux, spécifique à la communauté européenne comme organisation internationale, comme principes généraux du droit par la CJCE a été progressive et prend plusieurs formes (1). Ces droits étant nombreux, il faudra citer quelques exemples (2).

1. La Reconnaissance de la Protection des Droits Fondamentaux comme Principes Généraux en Droit Communautaire.

La reconnaissance de la protection des droits fondamentaux n’a pas été une volonté pour la CJCE mais une nécessité due au poids de l’histoire et à l’intervention allemande et italienne. La CJCE a d’abord refusé d’appliquer les droits fondamentaux. Cette reconnaissance a été progressive et son efficacité relative (1.1). Les États membres ont finalement reconnu, eux aussi, progressivement, cette faculté de contrôle que s’est donnée  la CJCE sous couvert des principes généraux du droit (1.2).

            1.1. Le poids de l’Histoire et la Reconnaissance de la CJCE.

Nous l’avons dit, l’idée de la CECA puis de la CEE était politique. Il s’agissait par une intégration des économies d’éviter la guerre. L’Allemagne et l’Italie, sous le poids de leur histoire, ont apporté une attention particulière aux droits fondamentaux (1.1.1), attention qui a contraint la CJCE à en tenir compte (1.1.2).

                        1.1.1. Les juridictions allemandes et italiennes.

En octobre 1967 la Cour suprême allemande de Karlsruhe exprima une réserve sur la primauté du droit communautaire dans un cas. Elle indiqua que le transfert de compétences à la Communauté ne saurait priver les citoyens des garanties constitutionnelles en matière de droit fondamentaux.

La Cour constitutionnelle italienne exprima des doutes semblables quelques années plus tard.

Néanmoins, jamais les Cours ne firent usage de ces réserves.

En effet, le 27 décembre 1973, dans une affaire Frontini contre Ministero delle Finanze, la Cour constitutionnelle italienne met fin à ses doutes.

En 1987, dans une affaire Wuensche Handelsgessellschaft, la Cour suprême allemande reconnaît que la CJCE protège les droits fondamentaux et lève ses réserves.

                        1.1.2. La CJCE et les droits fondamentaux.

                                    1.1.2.1. Le refus de l’écrit.

La CJCE rejeta l’idée d’une protection des droits fondamentaux par des textes communautaires. Cela confirme donc le fait que la protection des droits fondamentaux découle du système des principes généraux du droit.

Fridriech Stork & Co contre Haute Autorité (1/58)

Geitling contre Haute Autorité (36-8, 40/59)

Sgarlata contre Commission (40/64)

              1.1.2.2. La reconnaissance des droits fondamentaux.

Le 12 novembre 1969 ,dans une affaire Stauder contre Ulm (29/69), le bénéficiaire d’une pension de guerre avait considéré comme une atteinte à sa dignité et au principe d’égalité le fait de devoir donner son nom pour l’achat du « beurre de Noël ».

La CJCE avait considéré que donner le nom n’était pas nécessaire et qu’il était superflu d’examiner le moyen de la violation du droit fondamental mais précisait qu’elle devait faire respecter les droits fondamentaux faisant partie des principes généraux de l’ordre communautaire.

La CJCE voulait ainsi faire appliquer directement le droit communautaire, mais en 1970, la France n’ayant pas encore ratifié la CEDH, la CJCE ne s’y réfère pas explicitement.

                                    1.1.2.3. La protection des droits fondamentaux par les constitutions des États Membres.

Le 17 décembre 1970, dans une affaire International Handelsgessellschaft (11/70) la CJCE déclara que « la sauvegarde de ces droits (fondamentaux), tout en s’inspirant des traditions constitutionnelles communes aux États membres, doit être assurée dans le cadre de la structure et des objectifs de la Communauté ». Ce sont donc les constitutions des États membres qui seront d’abord visées.

                                     1.1.2.4. Les conventions internationales.

 Le 14 mai 1974, dans une affaire Nold contre Commission (4/73) la CJCE déclara pouvoir prendre en considération non seulement la constitution des états membres mais aussi « les instruments internationaux concernant la protection des droits de l’homme auxquels les États membres ont coopéré ».

Ainsi, le 15 juin 1978, dans une affaire G.Defrenne contre Société Sabena (149/77), la CJCE au point 28 de son arrêt fait référence à la Charte sociale européenne du 18 novembre 1961 et à la Convention 111 de l’Organisation Mondiale du Travail, mettant largement en application les dispositions de l’arrêt Nold.

                                    1.1.2.5. La CEDH.

Le document le plus important, ratifié par les quinze, est donc la CEDH qui fut évoquée la première fois en 1975 dans un arrêt Rutili (36/75) ainsi qu’en de nombreuses occasions par la suite.

Hauer contre Land Rheinland-Pfalz (44/79)

National Panasonic contre Commission (136/79)

Johnson contre R.U.C (222/84)

Dès 1975, la CJCE contrôle le droit national par rapport aux droits fondamentaux. Dans l’affaire Rutili contre Ministre de l’Intérieur (36/75), le Ministre français de l’intérieur restreint la liberté de circulation d’un Italien en violant l’article 48 des traités établissant la libre circulation. Cette décision avait été prise au regard de la directive 64/221 et du règlement 1612/68, mais la CJCE, outre ces textes, se base sur la CEDH en déclarant, en son point 32, que:

«(...) ces limitations (...) sont la manifestation spécifique d’un principe plus général consacré par les articles 8, 9, 10 et 11 de la CEDH (...) ratifiée par tous les États membres (...) qui dispose que les atteintes portées, en vertu des besoins de l’ordre et de la sécurité publique, aux droits garantis par les articles cités ne sauraient dépasser le cadre de ce qui est nécessaire à la sauvegarde de ces besoins « dans une société démocratique ». »

                                    1.1.2.6. Une protection limitée aux attributions communautaires.

Le résumé de l’argumentation de la CJCE tient dans les points 12 et 13 de l’affaire Daniele Annibaldi contre Sindaco del Commune di Guidonia, Presidente Regione Lazio (309/96) du 18 décembre 1997:

« Il convient de rappeler d’emblée que, selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect. A cet effet, la Cour s’inspire des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l’homme auxquelles les États membres ont coopéré ou adhéré. La convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 revêt, à cet égard, une signification particulière. Comme la Cour l’a également précisé, il en découle que ne sauraient être admises dans la Communauté des mesures incompatibles avec le respect des droits de l’homme ainsi reconnus et garantis. »

La CJCE fait référence, en ce point, à son arrêt Elleniki Radiophonia Tileorasia contre Dimotiki Etairia Ploroforissis (260/89) du 18 juin 1991. La CJCE ne contrôle que les textes nationaux entrant dans le champ d’application du droit communautaire comme elle le précise ensuite:

« Il ressort de la jurisprudence de la Cour (Arrêt Kremzow (299/95) 29 mai 1997) que, lorsqu’une réglementation nationale entre dans le champ d’application du droit communautaire, la Cour, saisie à titre préjudiciel, doit fournir tous les éléments d’interprétation nécessaires à l’appréciation, par la juridiction nationale, de la conformité de cette réglementation avec les droits fondamentaux dont la Cour assure le respect, tels qu’ils résultent, en particulier, de la CEDH. En revanche, elle n’a pas compétence à l’égard d’une réglementation nationale qui ne se situe pas dans le cadre du droit communautaire. »

Précisément dans cet arrêt, la Cour se déclare incompétente car la réglementation en cause ne relève pas du droit communautaire.

Pour conclure sur ces questions, dans un discours au Centre Européen pour les Études Européennes de Harvard en 1987, le Juge Mancini de la CJCE déclarait:

« En premier lieu la contribution des cours allemande et italienne a forcé la CJCE à protéger les droits fondamentaux. Dans un second temps, les droits nationaux ont freiné les efforts de la CJCE . »

            1.2. La Consolidation du principe par les Traités.

                        1.2.1. Les déclarations.

Le 5 avril 1977, une déclaration commune sur les droits fondamentaux était signée par le parlement, la commission et le conseil sous l’influence de la jurisprudence de la CJCE.

En avril 1978, les chefs d’État  et de gouvernement s’associaient à cette déclaration.

                        1.2.2. L’AUE.

C’est en 1986 pour la première fois que les principes reconnus par les CJCE furent incluent dans les traités. L’Acte Unique Européen dispose dans son préambule:

« Les hautes parties contractantes (...) Décidés à promouvoir ensemble la démocratie en se fondant sur les droits fondamentaux reconnus dans les constitutions et les lois des États membres, dans la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la charte sociale européenne, notamment la liberté, l’égalité et la justice sociale (...) Ont décidé d’établir le présent Acte (...) »

                        1.2.3. Le Traité sur l’Union Européenne.

En 1992, le Traité sur l’Union Européenne, dit de Maastricht, dispose dans son article F.2:

« L’Union respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire. »

                        1.2.4. Le Traité d’Amsterdam.

Cet article F.2 a été maintenu dans le nouveau Traité d’Amsterdam de 1997 et devient l’article 6.2.

Cependant il restreint le champ de la CJCE à la CEDH et aux traditions constitutionnelles des États membres, traditions pour inclure le cas particulier du Royaume-Uni qui n’a pas de constitution écrite, mais aussi applicable aux autres Etats. Il n’est pas prévu que la CJCE puisse se servir d’autres instruments internationaux pour agir, si ce n’est que ceux-ci soient intégrés dans le droit constitutionnel d’un Etat membre. Le deuxième pilier échappe au contrôle malgré les demandes du parlement européen. Le troisième pilier, les affaires intérieures et de justice, est communautarisé par Amsterdam. Ainsi certains se demandent si le contrôle de la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg ne prendra pas moins d’importance. La CJCE n’applique pas les principes de la CEDH de façon optimale et le standard risque de baisser. Le recours individuel communautaire est plus restrictif et sur ces questions le recours préjudiciel est interdit, il s’agit d’une compétence limitée de la CJCE. En fait il y a complémentarité des deux juridictions, la non-intégration de la CEDH dans les traités posant des problèmes en matière d’immigration.

2. Nature des Droits Fondamentaux protégés comme Principes Généraux en Droit Communautaire.

Nous le savons, les principes généraux du droit en droit communautaire protégeant les droits fondamentaux sont de deux sortes. Certains ressortent des traditions constitutionnelles des États membres (2.1) et d’autres de la CEDH (2.2) sans oublier que beaucoup se retrouvent, et dans les traditions constitutionnelles et dans la CEDH.

            2.1. Les droits fondamentaux empruntés aux traditions constitutionnelles des États Membres.

Les droits fondamentaux, partie des principes généraux du droit communs aux États membres, se distinguent du sens strict de ce terme en ce sens que l’on retire ces droits fondamentaux  des traditions constitutionnelles et non de l’ordre infra-constitutionnel. Néanmoins il est utile de préciser qu’il existe une problématique quant aux principes que l’on retient et à ceux que l’on disqualifie (2.1.1). Nous citerons ensuite, sans vouloir être exhaustif, quelques exemples (2.1.2)

                        2.1.1. Une problématique. L’arrêt SPUC. 

Le 4 octobre 1991, la CJCE a dû connaître l’affaire The Society for the Protection of Unborn Children Ireland Ltd (Société pour la Protection des Enfants non nés ou SPUC) contre Stephen Grogan et consorts (159/90).

Des étudiants distribuaient des informations sur les cliniques pratiquant légalement l’avortement au Royaume Uni. Il s’agissait d’un conflit entre le droit communautaire et la constitution irlandaise qui garantit le droit à la vie de l’enfant à naître.

Ce droit a été élargi à la mère en 1983, par référendum, sans que rien ne change quant à l’interdiction de l’avortement. Cette modification était rendue nécessaire afin d’éviter le classement de l’Irlande dans les pays ayant une politique d’avortement très restrictive.

En  1976, dans une affaire I.R.C.A (7/76), l’avocat général Warner déclara qu’un droit fondamental reconnu par la constitution d’un seul Etat membre doit être reconnu par toute la Communauté.

La CJCE s’est placée sous un autre angle. Elle a refusé tout jugement moral et a disposé qu’elle n’était pas compétente pour déterminer des activités pratiquées légalement ou pas. Ensuite, elle rappelle que sur la base des articles 59 et 60 des traités, 49 et 50 dans le Traité d’Amsterdam, l’avortement est un service qui peut être fourni librement sur tout le territoire communautaire et qu’ainsi la distribution d’une documentation sur les cliniques pratiquant légalement l’avortement au Royaume Uni est conforme au droit communautaire et l’interdire serait en revanche une violation. Il n’en reste pas moins que la CJCE n’accorde donc pas le droit à la vie à l’enfant non né.

Comme nous l’avons dit plus haut, la CJCE assure la protection des quatre libertés reconnues par les traités comme droits fondamentaux communautaires.

Ainsi, dans une affaire Procureur de la République contre A.D.B.H.U (240/83) la CJCE déclare que:

« (...) la liberté de circulation des biens et la liberté du commerce comme droit fondamental, sont des principes généraux du droit communautaire dont la Cour assure la protection ».

Cet arrêt montre que la CJCE sélectionne les principes qu’elle désire élever au rang de droit fondamental dans les constitutions. Dans la jurisprudence de la CJCE on constate que la CJCE ne retient pas un principe parce que la majorité des États membres le retient, mais beaucoup plus quand celui-ci est adaptable au droit communautaire, en fait, utile au juge.

                        2.1.2. Les droits fondamentaux empruntés aux traditions constitutionnelles des États Membres.

                                    2.1.2.1. Le droit de propriété.     

Ce droit est protégé en tout premier lieu par la déclaration de 1789, donc par la constitution française. Cependant, en 1952, le premier protocole additionnel de la CEDH reconnaît aussi ce droit. Cela ne veut pas dire que la propriété est un droit absolu. En effet, une restriction d’intérêt général est permise, mais jamais une privation. C’est ce que rappelle l’affaire Wachauf  contre RFA (5/88) en 1989 en qualifiant une « expropriation inconstitutionnelle sans compensation ».

                                    2.1.2.2. Égalité en Économie.

Dans des espèces qui ne sont pas étrangères à la précédente, et reconnue par la déclaration des droits de l’homme en ce qui concerne la charge publique, l’égalité en économie est protégée notamment en ce qui concerne la réglementation économique (Hauts fourneaux et aciéries belges. (8/57).) ou encore la distinction entre impôts, taxes et redevances (IGF van Leuwen. (32/67).). Cette égalité reste relative puisque l’harmonisation complète n’existe pas en droit communautaire.

                                    2.1.2.3. Droits de la défense.

Beaucoup de ces droits s’inspirent de principes britanniques. On l’a dit, le Royaume-Uni n’a pas de constitution écrite mais seulement des traditions constitutionnelles. De plus, la constitution américaine qui reprend bon nombre de principes britanniques dans le domaine permet de distinguer les normes supra-législatives.

Cela concerne la règle qui lie les juridictions internes à des appréciations portées en droit par la juridiction supérieure, que l’on retrouve dans le « binding precedent » et dans l’obligation en appel de juger comme en cassation après second renvoi.

Rheinmühlen. (166/47 et 146/73)

Le « legal privilege » britannique est également un droit fondamental de valeur constitutionnelle. Il inclut le droit à la confidentialité dans les communications entre le client et l’avocat (AM&S Europe Ltd. contre Commission. (155/79) 1982.) ainsi que l’inviolabilité du domicile (Hoechst. (46/87 et 227/88). Mais on peut néanmoins y voir également l’article 8 de la CEDH.

En matière de « due process » sont reconnus le droit au juge (Johnston. (222/84) 1986) et non à un jury ainsi que le droit au recours juridictionnel (Borelli. (97/91).).

On reconnaît aussi le principe du contradictoire dans une affaire S.N.U.P.A.T (42 et 49/59) qui dispose que:

« ce serait violer un principe élémentaire de droit que de baser une décision judiciaire sur des faits et documents dont les parties elles-mêmes ou l’une d’entre elles n’ont donc pas été en mesure de prendre position ».

            2.2. Les droits fondamentaux empruntés à la CEDH.

                        2.2.1. Droits de la défense.

Le principe de non-rétroactivité du droit est mentionné à l’article 7 de la CEDH.

Kent Kirk. (63/83) 1984.

                        2.2.2. Droit à la vie de famille.

L’article 12 de la CEDH impose le droit à une vie de famille normale. Le travailleur qui use de l’article 48 du traité CE sur la libre circulation des travailleurs peut vivre avec sa famille.

Aissattou Diatta. 267/83. 13/2/1985.

                        2.2.3. Le Respect à la vie privée.

C’est l’article 8 de la CEDH.

Commission contre Allemagne. (62/90). 1992.

Vie privée et secret médical.

                        2.2.4. Liberté d’Expression.

C’est l’article 10 de la CEDH. A noter cependant qu’en Suède la loi sur la liberté d’expression (yttrabdefrihetsgrundlagen) de 1991 fait partie des quatre normes constitutionnelles.

Schräder. (100/88.)

Ter Voort. (219/91.)

Conclusion. Les Apports du Traité d’Amsterdam.

En fait c’est surtout au niveau de la discrimination qu’une évolution est à constater dans le traité d’Amsterdam.  

En 1995, en l’absence de clause anti-discriminatoire de portée générale, la Commission avait annoncé son intention  de proposer comme mesure intérimaire l’inclusion d’une clause anti-discriminatoire pour tous les domaines relevant de sa compétence. Ces clauses s’inspiraient de la CEDH et de l’article 6 du Traité sur l’Union Européenne.

La directive communautaire « Télévision sans Frontière » qui oblige les États membres à « assurer que les programmes ne contiennent aucune incitation à la haine fondée sur la race, le sexe la religion ou la nationalité » en est un exemple.

A la même date, le parlement vota une résolution concernant l’égalité des chances dans la recherche d’un emploi.

L ’article 7 de la Consolidation du Traité sur l’Union Européenne prévoit que le Conseil agissant unanimement sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement pourra prendre toute mesure utile pour combattre la discrimination. Il sera aussi possible, ainsi, de suspendre les droits d’un État membre violant les droits fondamentaux. Mais la mise en oeuvre de ce procédé est très lourde.

De plus, depuis déjà plusieurs années, malgré les demandes répétées des institutions européennes, la Grèce inscrit la religion de ses ressortissants sur leur carte d’identité et s’oppose à l’objection de conscience ce qui est, semble-t-il, une violation manifeste de l’article 12 de la CEDH. Au Conseil de l’Europe, pendant le régime des colonels la Grèce s’est retirée avant de se faire exclure. La Turquie, elle, reste, car on juge cela préférable. Le contrôle politique est inefficace et la CJCE n’a pas de contrôle sur cet article.

La Consolidation du Traité de Rome consacre un chapitre aux « principes généraux sous-jacents à l’union ».

Les articles 12 et 13 du nouveau traité établissent une protection contre toutes les sortes de discriminations. Ces articles sont très proches des articles 225-1 du nouveau code pénal et 122-45 du code du travail français. Cependant, la prise de décisions sur la base de ces articles nécessite des conditions proches de celles de l’article 7.

Ainsi le groupe d’ONG « Ligne de départ » a demandé qu’une directive significative soit prise sur la base de ces articles dès la ratification du nouveau traité afin de s’assurer que ces articles ne soient pas de simples déclarations d’intentions.

Helena Torres Marques, député au parlement européen, n’est pas satisfaite. Elle déclare « Le nouvel article autorise seulement « une action appropriée pour lutter contre la discrimination » exigeant un vote à l’unanimité du Conseil. C’est vraiment trop restrictif et pas du tout démocratique. »

Cependant il n’en reste pas moins qu’à trop vouloir protéger les droits fondamentaux on aboutit parfois à des situations difficiles. C’est le cas de la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme en 1992 qui autorise les transsexuels à changer de prénom sur la base des articles 8 et 12 et condamne la France pour s’y être opposée. Les transsexuels sont donc considérés comme des femmes à part entière. Mais sans porter de jugement moral qu’arrivera-t-il quand, comme récemment dans l’État de New York, il faudra prononcer un divorce pour dol, concernant précisément la dissimulation de l’état de transsexuel ?

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