LIVRES.

Sexe.

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La réglementation en vigueur autorise les courtes citations à titre d’exemple.

9 titres.

Aziz, Germaine. Les Chambres Closes.

Aziz, Germaine & Delacour, Marie-Odile. Cinq Femmes à Abattre.

Lederer, Laura. L’Envers de la Nuit – Les Femmes contre la Pornographie.

Pierrat, Emmanuel. Le Sexe et la Loi.

Drouet, Jean-Baptiste. Les Nouveaux Visages de la Prostitution.

Spira, Alfred ; Bajos, Nathalie et Groupe ACSF. Les Comportements Sexuels des Français.

Arcan, Nelly. Putain.

Bellil, Samira avec Stoquart, Josée. Dans l’Enfer des Tournantes.

Dupond-Monod Clara. Histoire d’une Prostituée.

*

Aziz, Germaine. Les Chambres Closes. Paris : Elles-mêmes Stock. 1980. 256p. ISBN 2-234-00883-2.

Lorsque la loi Marthe Richard a fait fermer les « Maisons Closes » en France, tel ne fut pas les cas en Algérie, et quand bien même, les femmes devaient être « la femme » d’un « souteneur » et leur envoyer la « comptée », c’est à dire l’argent qu’elles gagnaient. « Maisons Closes » ou pas, la prostitution n’est pas un état dont on sort dans la mesure où la dette que l’on doit à ses « bienfaiteurs » n’est jamais remboursée. C’est ce que l’on comprend ici, et si, en France, mais aussi ailleurs, des filles des pays les moins favorisés tombent dans ce même engrenage, au bénéfice d’hommes et de femmes «administrateurs de réseaux», la situation a changé au niveau de la prostitution haut de gamme qui peut être un commerce très lucratif et habillement réglementé sous l’enseigne «d’escorte». Il est certain que réouvrir les « maisons closes » n’est certainement pas une bonne chose même si l’on pouvait croire qu’en matière de santé publique cela serait intéressant (dans les années 50 le SIDA n’était pas encore là), mais si cette décision était prise, la prostitution de luxe prendrait toute sa place comme c’est déjà le cas aux États-Unis d’Amérique, au Canada ou en Suisse, sans qu’une exploitation, qui existe dans le bas de gamme soit à constater.

Sur la forme, on ne peut pas dire que ce livre soit passionnant, mais c’est un survol intéressant de ce qu’était la prostitution et l’hypocrisie de l’État français en ces époques noires.

10/02/2003.

Aziz, Germaine & Delacour, Marie-Odile. Cinq Femmes à Abattre. Paris : Stock 2. 1981. 286p. ISBN 2 234 01513 8.

C’est en 1981 qu’a eu lieu le premier grand procès de la mafia italienne grenobloise impliquée dans la prostitution - car la loi Marthe Richard n’a pas supprimé les souteneurs – s’est déroulé.

Quel travail d’aller sur les chantiers et d’y pratiquer l’abattage ou, les bras tenus par un homme, les ouvriers se succèdent les uns après les autres !

Les choses ont certes changé. La prostitution se distingue lorsque c’est une activité de luxe, réservée aux personnes pouvant se le payer et permettant à celles qui en ont la possibilité de considérablement augmenter leurs gains.

22/02/2003.  

Lederer, Laura. L’Envers de la Nuit – Les Femmes contre la Pornographie. Québec : Les Éditions Remue-Ménage. 1983. 405p. ISBN 2 8 9091 040 7.

Traduit de l’anglais par Aubry, Monique et Desfresne Martin. Take Back the Night : Women on Pornography. New York : William Morrow and Company Inc. 1980.

Distributeurs.

Prologue.                        Diffusion Alternative.

2975, Rue Sartelon.        36, Rue des Bourdonnais.

Ville Saint-Laurent.         75001 Paris. France.

H4R 1E6 Canada.

Extraits.

 Voici ce que leur fait dire le romancier Alain Robbe-Grillet, fervent admirateur du travail de Hamilton:

«C'est une idiote. Elle ne comprend rien. Elle dort comme un fruit trop mûr.» Puis, reviens vers le lit et souffle lui tout bas à l'oreille mais distinctement: «Tu n'es qu'une petite putain, une salope, une clairière humide, une coquille entrouverte .»

Depuis dix ans, nous avons eu droit à des films comme Chauffeur de taxi où une prostituée de 12 ans se soumet gaiement à n'im­porte quel caprice d'homme pour plaire à son répugnant maquereau. Jodie Foster, qui tenait le rôle de cette prostituée adolescente, connut un tel succès qu'on s'empressa de lui faire tourner La petite fille au bout du chemin où une enfant de 13 ans affiche une sexualité particu­lièrement développée.

Et puis, bien sûr, il y a La petite, ce film du cinéaste Louis Malle qui raconte l'histoire d'une prostituée de 12 ans, Violette, née et éle­vée au début du siècle dans un bordel de la Nouvelle Orléans. Le jour de son douzième anniversaire, la virginité de la fillette est mise à l'encan. Ignorant toute autre façon de vivre, l'enfant accueille avec fierté et sérénité son initiation à «la vie». Lorsque des citoyens excédés fer­ment le bordel, elle emménage chez le photographe Bellocq, qu'elle séduit. Le critique Vincent Canby a dit avoir vu dans ce film «une parabole sur la vie et l'art»; mais son enthousiasme pour l'art n'a pas suffi, semble-t-il, à l'intéresser au talent de Brooke Shields, l'actrice de 12 ans qui tenait le premier rôle: «J'ignore complètement si Brooke Shields possède ce que l'on appelle du talent», écrit-il.

Pour Canby comme pour Malle, qu'elle ait ou non du talent est sans importance: Shields est un objet sexuel et rien de plus. «La beauté de son visage transcende toute nécessité de jouer», ajoute encore Canby. Quant à Judith Christ, une autre critique, elle trouve que La Petite est un film réussi sur le plan visuel mais «futile», surtout pour ce qui est de l'exhibition gratuite de la «nudité pré pubère de l'héroïne». Pour ma part et malgré ses fioritures artistiques, je n'ai vu dans ce film qu'une basse flatterie de la pédophilie.

Le scénario de La Petite s'inspirait du cas réel d'une enfant prostituée élevée dans un bordel. Mais, devant la dure réalité des ravages exercés par la syphilis, la drogue et les violences physiques parmi les prostituées ayant vécu dans ces bordels, Louis Malle a préféré s'en tenir à son fantasme et affirmer que le monde du bordel ne connaissait ni victime, ni exploiteur. Mais si l'on peut mettre en scène une enfant prostituée sans montrer de victime ou de violateur, l’œuvre - aussi artistique soit-elle - n'est plus que la légitimation du droit de l'homme à acheter une enfant pour son usage sexuel. La poétesse Christina Rossetti a dit de l'artiste qu'il peint la femme «non pas telle qu'elle est, mais telle qu'elle sert son rêve».

Page 79.

Depuis maintenant six mois, je mène une enquête sur le terrain. Je me promène avec un gallon à mesurer, et je mesure la poitrine, la taille et les hanches de chacune des femmes qui veulent bien s'y prêter. J'ai fait des découvertes très intéressantes: je n'ai encore rencontré aucune femme ayant les fameuses mensurations de 96-55-90 cm. Alors que Playboy a toujours prétendu que c'étaient là les mensura­tions de ses mannequins vedettes. Je n'ai pas trouvé une seule femme avec un tour de taille naturel de 55 cm! Vous par exemple, vous êtes presque aussi mince que ma petite cousine de 13 ans. Laissez moi vous mesurer; mais d'abord, quel est, selon vous, votre tour de taille?

Environ 60 cm, j'imagine, je ne sais pas au juste, je ne l'ai pas mesuré récemment.

Voilà: votre taille mesure 63cm et ça, c'est en retenant votre souffle. Partout j'ai trouvé le même genre de statistiques: en moyenne, la jeune femme mince a un tour de taille de 65 à 68 cm. Plu­sieurs ont une taille plus forte que cela. Et ce ne sont pas des femmes grasses!  Un bébé de deux mois a déjà un tour de taille de 41 à 43 cm. Et pourtant, Playboy voudrait que nous croyions que le tour de taille idéal d'une femme se situe entre 53 et 55 cm. Je pense que Playboy, a tendance à mentir sur les mensurations de ses mannequins.

Page 141.

Snuff doit sa notoriété au carnage présenté dans les cinq minutes de la dernière séquence.

Le film est apparu en 1975, peu de temps après que la police de New York eut annoncé avoir confisqué plusieurs films pornographiques «clandestins» venant d'Amérique du Sud et contenant des scènes de meurtre authentique. Ces films ont été appelés Snuff parce que les actrices y étaient assassinées («éteintes») devant les caméras pour satisfaire les fins palais d'amateurs sélects et blasés qui ne se contentaient plus de simple sexe et avaient besoin de la mort comme aphrodisiaque. Cette découverte de la police aiguisa la curiosité du marché de la pornographie et lui inspira l'idée de produire un film Snuff pour le circuit commercial.

Le scénario tourne autour d'une secte sud-américaine dominée par un homme appelé Satan. Ses disciples sont toutes de belles jeunes femmes prêtes à commettre des vols, à battre ou à assassiner quel­qu'un dès qu'il en donne l'ordre.

Pour être acceptée au sein de cette secte occulte, chaque femme doit subir la torture initiatique qui scellera son engagement à Satan. Une vague rhétorique explique que l'assassinat des riches est une ven­geance pour les souffrances des pauvres mais ce thème mineur n'arrive jamais réellement à percer et il est très évident qu'il a été rajouté pour essayer de justifier la violence du film. La secte entretient aussi quelques croyances occultes assez confuses semblables à celles que l'on décrit dans les films «d'horreur» médiocres.

Il est évident, toutefois, que le réalisateur a essayé d'établir un parallèle entre ces dévots de Satan et la «famille» de Charles Manson. (Assassin de l’actrice Sharon Tate). Les similarités entre ces deux groupes sont trop nombreuses et trop évidentes pour n'être que de simples coïncidences. Il est très clair que Snuff suit les traces de Charles Manson, symbole d'un nouveau prototype de sexualité associée à la violence.

L'intrigue est assez embrouillée mais on finit par comprendre que la secte se prépare à accomplir un meurtre rituel pour venger à la fois les souffrances des pauvres et le «dieu démon» de leur «religion». Le groupe de mystiques commence par assassiner un certain nombre de personnes choisies au hasard et dont aucune ne semble appartenir à une classe privilégiée. Dans une de ces scènes, une disciple de la secte se venge de son ancien amant en le castrant avec une lame de rasoir; on ne montre pas la castration, seulement un gros plan du visage contracté par les douleurs de l'agonie. Le réalisateur avait sans doute jugé qu'une scène montrant une femme en train de torturer un homme répugnerait trop à son public mâle pour être filmée directe­ment. Après cette scène macabre, les dévots assoiffés de sang se préparent au sacrifice tant attendu de leur enfant à naître, prêt à jaillir des entrailles d'une blonde.

D'abord, ils tuent d'une balle son amant et autour du lit où elle est étendue énorme ventre faisant saillie sous la dague au-dessus d'elle plante sauvagement dans son ventre.

Suit un moment de silence puis nous voyons toute l'équipe. Une jolie assistante de production a été excitée par cette scène et le  réalisateur lui demande alors si elle aimerait satisfaire ses fantasmes. Ils commencent et elle s'aperçoit que l'équipe continue de tourner et

essaye de sortir du lit. Le réalisateur sur le lit dit: «Sale garce, maintenant tu vas avoir ce que tu voulais.» Ce qui se passe ensuite est indescriptible. Il la dépèce lentement et complètement. Tout ces bouts de bras qui volent, ces jambes, ce sang qui jaillit de sa bouche comme elle meurt. Cependant, le «sommet» est le moment de pure démence, il lui ouvre les entrailles dans un grand cri de fou.

Pages 310-311.

Commentaires.

La pornographie traverse une mauvaise passe. Internet et les films dits amateurs n’y sont pas pour rien. Alors, faut-il vraiment se préoccuper du sujet, glorifié par quelques actrices plaidant pour la beauté de leur métier (et quelques acteurs faisant de même, mais plus rares).

Le problème de l’esclavage de la femme noire, du présupposé violeur noir, de la souffrance de la femme à peau foncée de voir son amant « s’exciter » sur les photographies des blondes de Playboy, prisent pour des femmes stupides au Canada, n’est pas un problème français. Le féminisme à outrance n’est pas un problème français. Les « mâles », dans leur grande majorité, ne sont pas de pernicieux ennemis des femmes prêts les violer. Si certaines choses sont sans nul doute à étudier, point trop n’en faut. Il faut prendre garde à trop interdire sans quoi rien n’est plus permis.

08/03/2003.

Spira, Alfred ; Bajos, Nathalie et Groupe ACSF Analyse des Comportements Sexuels en France. Les Comportements Sexuels des Français. Rapport au ministre de la Recherche et de l’Espace. Collection des Rapports Officiels. Paris : La Documentation Française. 1993. 351p. ISBN 2 11 002904 8. ISSN 0981 3764.

Il est possible que les choses changent vite, ou il est possible que l’on ne considère pas certaines choses. Il y a 10 ans, l’homosexualité n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui, et aucune mention réelle n’est faite de l’homosexualité ou de la bisexualité dans une étude qui veut programmer une lutte efficace contre le SIDA. D’un autre coté on va bien au-delà de la seule étude sexuelle puisque cela touche au relationnel. C’est complet et complexe mais incomplet si l’on se place aujourd’hui.

10/06/2003.

Pierrat, Emmanuel. Le Sexe et la Loi. Paris : Arléa. 1996. 188p. ISBN 2 86959 281 7.

Extraits.

Les actes qui portent ainsi atteinte à la pudeur d'autrui sont généralement des attouchements au sens large : il peut s'agir aussi bien d'embrasser que d'étreindre, toucher, frotter, caresser, etc. Le fait de dénuder un mineur de quinze ans est également considéré comme un attentat à la pudeur sans violence.

Le premier code pénal, celui de 1810, ne punissait pourtant que l'attentat à la pudeur avec violence : le consentement de la victime, quel que fût son âge, empêchait la constitution de l'infraction. C'est une loi du 28 avril 1832 qui a introduit dans notre droit la notion de « majorité sexuelle », c'est à dire le seuil en dessous duquel le consentement de la victime importe peu.

Ce seuil fut initialement fixé par le législateur de 1832 à onze ans ; et ce à une époque où l'idée même d'éducation sexuelle n'avait pas encore germé dans le cerveau des éducateurs! Depuis lors, le seuil de la majorité sexuelle n'a cessé d'augmenter. Il est aujourd'hui fixé à quinze ans. Une loi du 6 août 1942 l'avait même porté à vingt et un ans en cas d'identité de sexe entre l'auteur de l'infraction et la victime. Cette disposition vichyste et discriminatoire - qui rendait punissables, de fait, les relations homosexuelles entre un majeur et un mineur âgé de quinze à vingt et un ans -  a été modifiée en 1981pour que règne un seuil uniforme de majorité sexuelle, fixé à quinze ans quel que soit le sexe des protagonistes.

L'erreur sur l'âge est fréquemment admise par les tri­bunaux, pour prononcer la relaxe, quand la victime paraît réellement avoir plus de quinze ans.

Il est à noter que celui qui met en rapport l'adulte et le mineur peut être poursuivi pour proxénétisme, même s'il a agi à titre gratuit.

Quant aux attentats à la pudeur avec violence, la liste des cas recensés par les tribunaux est presque sans limite. Mais nombre d'actes qualifiés autrefois d'attentats à la pudeur seraient aujourd'hui considérés comme des viols dans la définition élargie qu'en donne la loi depuis 1980. Cependant, aujourd'hui encore, une femme qui oblige un homme à la pénétrer commet un attentat à la pudeur avec violence, tandis que l'homme qui pénètre de force une femme commet un viol.

L'attentat à la pudeur avec violence a longtemps servi d'infraction « fourre-tout » pour sanctionner les débordements lors d'ébats entre époux. Le viol entre époux, qui n'était pas admis récemment encore par la juris­prudence, n'était poursuivi que sous cette simple qualifi­cation. De même les actes dits « contre nature » qu'un époux impose à sa femme ont‑ils été longtemps poursui­vis comme des attentats à la pudeur avec violence. C'était d'autant plus vrai, avant 1971, quand, selon la loi, le mari avait autorité sur sa femme.

Page 46-47.

L’adultère

Jusqu’en 1975 l'adultère était un délit. Mais un délit qui confortait particulièrement le rôle de maître de maison que la loi attribuait au mari. Car seul l'adultère de la femme était répréhensible ; et il ne pouvait être dénoncé aux autorités que par le mari ! La fautive encourrait alors jusqu'à deux ans d'emprisonnement, mais le mari restait « le maître d'arrêter l'effet de cette condamnation en consentant à reprendre sa femme »... Quant au mari adultère, aucune sanction pénale n'était envisagée contre ses débordements. Tout au plus risquait‑il une amende s'il entretenait une concubine « dans la maison conjugale ».

Page 87.

L'article 324 du code pénal prévoyait notamment une excuse pénale (c’est à dire une circonstance permettant d'atténuer sensiblement les sanctions encourues) pour « le meurtre commis par l'époux sur son épouse, ainsi que sur le complice, à l'instant où il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale ». On le voit, l'excuse d'adultère s'appliquait avec une inégalité des sexes des plus flagrantes, et dans les situations les plus caricaturales. A priori, seul le mari pouvait en bénéficier, et à la stricte condition qu'il surprit sa femme et son amant en pleins ébats dans le lit conjugal !

En France le crime passionnel a d'ailleurs toujours bénéficié d'un statut particulier. Nombre de jurys d'assises se sont montrés particulièrement cléments avec les maris trompés ou les femmes humiliées qui assassinaient fautif et partenaire.

Aujourd'hui, l'adultère n'est plus qu'une cause de divorce. Le mariage, rappelons le, est un contrat qui comporte certaines obligations. L'une d'entre elles, et des plus importantes, est l'obligation de fidélité. L'article 212 du code civil dispose sobrement:

« Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance. »

Page 88.

Le fait, pour un conjoint, d'avoir des relations homosexuelles hors mariage n'est pas constitutif d'adultère, puisqu'il ne s'agit pas, selon les juges, d'une violation de l'obligation de fidélité entre époux. Il a par exemple été jugé par la Cour de cassation, en 1963, qu'une femme qui avait vécu pendant cinq ans avec son mari, alors que celui-ci la trompait délibérément avec un homme, ne pouvait invoquer l'adultère mais seulement les relations

Page 92.

Commentaires.

On ne peut reprocher dans une tel livre de ne plus être à jour tant les choses changent vite. Cela étant, on s’attendait à plus percutant. Les règles de droit sont, parfois, analysées d’une façon qui est sujette à une interprétation différente (notamment sur la paternité, ou encore « l’adultère homosexuel »). En fait, il faut bien le dire, les liens du sexe et de la loi ne sont pas si importants qu’ils n’ont plus l’être par le passé. De là à arriver à une situation de quasi totale liberté, où l’on accepte plus que l’on tolère, il reste du chemin.

09 novembre 2003.  

Drouet, Jean-Baptiste. Les Nouveaux Visages de la Prostitution. Paris : Fillipachi SONODIP. 1997. 259p. ISBN 2 85018 664 3.

Extraits.

« Tu as mon téléphone portable, tu m'appelles, sauf le week end. » Sans se retourner, elle claque la lourde porte, dévale les escaliers en chantonnant, sort de l'immeuble avenue de Wagram et s'engouffre dans le métro Ternes. Les nombreux usagers de la rame qui remarquent cette adorable blonde coupée au carré sont à mille lieues de deviner ce qu'elle vient de faire. Plongée dans la lecture attentive de ses cours, Solène ne songe d'ailleurs même plus à cet architecte rencontré quelques heures plus tôt sur le 36 15 Aline. Il y a longtemps qu'elle sait gérer sa double vie. Une demi‑heure plus tard, elle quitte d'un pas rapide le RER à la station Luxembourg pour ne pas rater une conférence à la Sorbonne. Là, dans un vaste amphithéâtre, elle se mêle aux centaines d'autres étudiantes qui, pour payer leurs études, tra­vaillent chaque jour chez Mc Donald's, Pizza Hut, Joseph Gibert ou Benetton. En une heure, Solène a gagné plus d'argent que ces employées intérimaires en dix jours de labeur exténuant. Elle est une prostituée de nos Temps modernes. Une « occasionnelle », insaisissable et insou­ciante, qui drague ses clients sur Minitel, dans les boîtes de nuit et les pubs, sans régularité, au gré de ses humeurs et de son désir. Celle ci n'a jamais mis les pieds rue Saint Denis, au bois de Boulogne et encore moins sur le cours de Vin­cennes. Elle ne porte pas de tenues provocantes, ne se maquille jamais, n'arpente pas les trottoirs un trousseau de clés à la main; elle est habillée comme vous et moi et lit sagement le Monde dans les transports en commun. Les termes « racolage » et « proxénétisme » lui sont étrangers. ­Elle ne sait même pas que la prostitution n'est que tolérée par la loi et que, un beau jour, un inspecteur du fisc pourrait léga­lement imposer ses « extra ». Elle n'a d'ailleurs pas impérativement besoin d'argent pour vivre. Elle n'est ni droguée, ni paumée, ni « maquée » et elle est parfaitement intégrée socia­lement. Choyée par sa famille et entourée de nombreux amis étudiants, elle ne souffre donc d'aucune carence affective ou psychologique. Si Solène se prostitue, c'est uniquement par choix.

*

Melun‑Sénart se résume aujourd'hui en quelques chiffres pathétiques : cent mille habitants pour vingt mille emplois, une dette d'un milliard et demi de francs, un taux de chômage record et un Stade de France qui sera finalement construit en Seine Saint Denis ! Malgré ce constat d'échec accablant, les joyeux urbanistes font toujours tourner les cimenteries au rythme effréné de mille logements supplé­mentaires par an. Lentement mais sûrement, leur frénésie bétonnière dévore les rares pans de forêt encore épargnés.

Restent les habitants, souvent des transfuges de grands ensembles HLM. Les voilà dorénavant parqués dans trente mille logements « individuels », découpés en lotissements aux noms enchanteurs de « l'Orée du Bois », « le Val Fleuri », « le Domaine du Parc », zones d'aménagement concerté elles mêmes coupées par moult routes... « Pour payer les traites mensuelles de leur maison » explique Marc, animateur d'un club de jeunes de Lieu saint, « les familles à problèmes du coin n'ont que deux solutions à court terme : les allocations familiales ou la prostitution. Elles ont mas­sivement recours à la première et de plus en plus à la seconde. Je n'exagère pas. Tout le monde le sait mais per­sonne n'en parle. Le phénomène prend une telle ampleur que l'on dit ici que ces gens construisent leur habitation comme les castors. Papa avec la queue, maman avec le derrière... De toute façon, ces familles viennent pour la plupart de cités dures où la prostitution était déjà bien répandue. »

Ainsi, il existe bien, dans certains quartiers défavorisés de l'agglomération urbaine de Melun‑Sénart, des jeunes femmes se livrant occasionnellement à l'amour tarifé chez elles. Leur mari au travail et les enfants à l'école, celles ci reçoivent dans l'intimité du foyer conjugal, dans un lit encore tiède pour une heure ou l'après midi, selon paiement.

Comment diable rencontrent elles leurs clients ? « Elles allument les hommes seuls dans les boutiques des galeries commerciales ou dans les grandes surfaces, constate un agent de sécurité local. Avec les connections de l'autoroute A 5 et du RER D, ces zones attirent un flux important de consommateurs.

Page 76

Reste que la prostitution à temps partiel d'étudiants des deux sexes existe bel et bien. Intimement liée aux diffi­cultés économiques des jeunes les moins aisés persévérant en cycle universitaire, elle sinistre les facultés les moins éli­tistes, établissements « poubelles » dont les droits d'inscrip­tions s'avèrent peu prohibitifs. Ainsi, les relations sexuelles tarifées se développent discrètement mais sûrement à Créteil, La Varenne Chènevières (Paris XII), Nanterre, Tolbiac et Jussieu, « facs pauvres », alors qu'elles sont quasi inexis­tantes à Assas ou Dauphine. « Il ne faut pas schématiser: résumer ce phénomène marginal à un unique besoin d'argent est à mon sens réducteur tout comme la crise économique n'en est pas le seul catalyseur. Cette forme d'amour vénal répond aussi à des carences affectives. Prenez l'exemple des étudiantes étrangères logées sur le campus international du boulevard Jourdan. Elles sont déracinées, seules, paumées et expatriées loin de tous leurs repères familiaux... Consé­quence : il est de notoriété qu'elles louent leurs charmes à l'occasion, parfois jusque dans les chambres de la cité U poursuit, consterné, l'enseignant à Paris 1. Autre carrefour estudiantin connu pour les moeurs peu conventionnelles de ses occupantes : l'Alliance française, boulevard Raspail, dans le Vlème arrondissement, qui accueille des jeunes filles du monde entier. « Cela ne date pas d'hier, les étudiantes de l'Alliance ont une solide réputation de filles volages. Que certaines d'entre elles monnaient leurs charmes est un secret de polichinelle » témoigne, sous couvert de l'anonymat, un médecin de la rue de Rennes. « Mais allez plutôt vous ren­seigner à l'Institut Vernes qui dépiste et soigne les maladies vénériennes... »

Si elles évitent soigneusement l'intérieur des facultés maigre pouvoir d'achat de ses occupants oblige, les étu­diantes parisiennes désireuses de se prostituer adoptent volontiers, le temps d'une nuit, le masque de la mondanité pour chasser dans les bars branchés et les boîtes à la mode du VIIIe arrondissement.

Page 104

Magalie, travaillant en parfaite autonomie hors de tout réseau, ne constituent pas la majorité des étudiantes vénales. Beaucoup d'entre elles, surtout les plus jolies, sont souvent sollicitées par des organisations plus « structurées ».

À l'instar des agences de mannequins, ces réseaux envoient des chasseurs de têtes repérer et éventuellement recruter de jeunes occasionnelles. Leur terrain de chasse pri­vilégié ? Les grands salons parisiens, où pullulent les hôtesses d'accueil   job d'étudiante par excellence et les boîtes de nuit en vue de la capitale. « Branchées » par le recruteur, souvent d'un physique avantageux, les jeunes filles les moins farouches sont ensuite mises en relation avec des agences d'un genre un peu spécial. Selon leurs désirs et leur temps libre, on leur propose d'entrer dans un book, recueil photo­graphique consulté par une clientèle triée sur le volet. Les responsables de ces structures désirent avant tout que les filles, impérativement étudiantes, restent occasionnelles. Les clients aiment cela et il ne faudrait pas donner prématurément à ces débutantes le goût de l'argent facile. Plus subtil : bien qu'officiant à temps partiel et de façon ponctuelle, les jeunes amazones sont traitées en authentiques professionnelles. Aux frais de l'agence, on leur offre un téléphone portable, afin de pouvoir les joindre n'importe quand. Règle immuable: il ne faut pas que le client puisse directement contacter la jeune femme et ainsi s'épargner la commission d'agence.

Celles qui le désirent recevront en outre une avance pour financer l'institut de beauté ou l'achat de vêtements. Autre principe clé : rien n'est imposé mais tout est proposé aux jeunes inscrites. C'est tout le secret de la longévité de ces dis­crètes entreprises. Seul impératif : en début de semaine, souvent le lundi, toutes les recrues sont priées de com­muniquer leurs jours de disponibilité à un « planning de ges­tion des rendez vous ». Exceptionnellement, les jeunes femmes les plus demandées sèchent leurs cours pour grimper dans un avion avec un important client marocain ou améri­cain...

Page 114

Cette philosophie gratifie le dominé par son épa­nouissement dans l'humiliation. Que serait une maîtresse sans un bon soumis ? Rien. Dans le SM, c'est l'esclave qui dicte d'abord les règles du jeu. D'ailleurs, toute dominatrice digne de ce nom a d'abord été soumise. Ne fût ce que pour comprendre ce que ressent son dominé. Les nouvelles irrégu­lières se foutent bien de tout ça ». La sévère Emma, qui officie dans un sous sol du XXe arrondissement, jure ne faire « qu'un soumis par jour. Avec lui, le temps ne compte plus et nous allons vraiment au fond des choses ». À trois mille francs la domination de deux heures, elle peut se le per­mettre. « Pour un couple, j'exige mille francs de plus. Diriger deux personnes est beaucoup plus éprouvant. » Lorsqu'on lui fait discrètement remarquer l'inflation de ses tarifs, Maîtresse Emma se fâche tout rouge : « Une tenue complète avec chaînes, rivets, bottines et casquette vaut dans les huit mille francs. Quant aux paires de cuissardes, vous n'en trouvez pas à moins de trois mille francs. Il faut bien se rembourser ! »

Comme toutes les pros de ce créneau, Emma fait ses emplettes chez Phyléa 61, rue Quincampoix  ou à la boutique Démonia, l'incontournable temple du commerce SM à Paris. Dans ces quatre cents mètres carrés, installés au 10, cité Joly, une paisible impasse du XIe arrondissement, les initiés aimant se fouetter les sens ont l'embarras du choix : livres, vidéos, centaines d'accessoires et milliers de gadgets, revues, vêtements et bandes dessinées consacrés au SM y sont exposés. La disposition de ce supermarché du sadoma­sochisme peut surprendre les novices. Dès l'entrée, on tombe sur des cages en fer. Les maîtresses y déposent leur soumis le temps de faire quelques achats. Malheur à celui qui se montre turbulent ! Sa dominatrice n'hésite pas à lui coller une bonne raclée en public, ce qui rajoute au folklore local. Sans rire, les dirigeants de l'établissement précisent que les esclaves et les chiens doivent obligatoirement être tenus en laisse dans l'enceinte du magasin !

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« À part l'Adam's Club, un éta­blissement échangiste du 42, boulevard Gouvion  Saint Cyr, près de la Porte Maillot. La direction organise régulièrement des soirées sadomasos. Il m'est même arrivé d'en animer une. Sympa, mais tu trouves surtout des couples de partou­zeurs qui viennent se faire peur. »

À l'orthodoxie brutale du sadomasochisme codifié, la jeune Africaine préfère sans conteste les rituels fétichistes, « beaucoup plus cool et moins risqués ». À ce titre, elle s'affirme comme l'une des rares prostituées parisiennes spé­cialisées dans cette pratique « ciblée ». Une messagerie télé­matique, le 36 15 Fantask est le grand lieu de rendez vous des fétichistes de tout poil. Créé, à l'origine, pour ceux qui vénéraient les seuls talons aiguilles, Fantask est désormais pris d'assaut par une faune hétéroclite d'adorateurs de la quincaillerie SM. « Sur ce service spécialisé, je déniche un client en quelques minutes. Des gens sans problèmes. Ils savent exactement ce qu'ils veulent et sont prêts à mettre le prix pour l'obtenir. Les hommes fétichistes flashent d'abord sur les talons aiguilles, les bas résille, les jupes en cuir et les bottines », confesse la maîtresse black. Très en vogue, le féti­chisme a son service Minitel spécialisé mais aussi son salon européen, manifestation qui se tient chaque mois de novembre, place Rogier, à Bruxelles. Plusieurs milliers d'accros des objets se bousculent devant les quatre vingt stands que propose ce drôle de festival... « Un endroit idéal pour dénicher de vieux et riches soumis belges et allemands » commente Natsy, hilare. Au fil de ses passes françaises et européennes, elle a découvert l'infinie variété des goûts de la clientèle fétichiste. « J'ai un régulier, un dentiste de Seine et Marne. Ce mec devient fou quand il voit un bandeau marron dans les cheveux d'une femme. Marron et surtout pas d'une autre couleur. Il a facilement cinquante ans et il est marié. Il n'ose pas parler à sa femme de son obsession. C'est son jar­din secret. Il vient me voir une fois par mois, à l'occasion de congrès médicaux. Je mets donc un bandeau et il commence à se branler. Il jouit comme une bête.

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Quelques galipettes copieuse­ment photographiées avec Daniel Ducruet, monsieur Steph de Monac', lui ont rapporté au bas mot plus de deux millions de francs et une célébrité planétaire... Les services secrets de la Principauté, qui travaillent d'arrache‑pied sur le « dossier Houteman », ont découvert les liens étroits qui unissaient la jolie Fili et le monde du X. Systématiquement présente lors des festivals érotiques belges où elle se produisait au milieu de hardeuses, la briseuse du ménage Ducruet n'est pas une oie blanche. Est‑ce un hasard si l'unique éditeur français à posséder une biographie en vidéo de l'effeuilleuse est un por­nocrate notoire pondant des productions bas de gamme sous le pseudonyme de « Petit Loup » ? Issue d'un milieu modeste, Fili Houteman devient un peu vite l'égérie des nuits chaudes de la jeunesse dorée bruxelloise. Pas farouche, la demoiselle s'affiche au bras de quelques grosses fortunes wallonnes, dont Frédéric Bouvy, héritier d'une grande famille belge qui s'est enrichie dans le commerce du vête­ment de luxe. C'est justement Bouvy, un mordu de Formule 1, qui présente Fili à un pilote nommé Daniel Ducruet... Gogo d'un titanesque coup monté, celui ci apprendra un peu tard que Fili a été par le passé une intime de Stéphane de Lisiecki, le paparazzo qui a justement réalisé les photos de son escapade extraconjugale...

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Le petit monde de l'échangisme draine toutes les catégo­ries socioprofessionnelles. Chaque catégorie a néanmoins ses « boîtes » de prédilection. Ainsi, les avocats, journalistes et producteurs affectionnent le Cléopâtre et le Deux plus Deux; médecins, dentistes et stewards préfèrent le Chris et Manu; l'employée de bureau, le vigile et le postier sont plus attirés par la Cheminée et le Danys Club, où l'ambiance, buffet campagnard et vin rouge à volonté obligent, est moins guin­dée. Si les amours collectives séduisent une clientèle de plus en plus jeune, les vieux routards de l'échangisme existent aussi : couples surréalistes habillés lui d'une chemise à fleurs au mois de décembre, elle d'une robe moulante à paillettes dorées malgré l'embonpoint de la cinquantaine, ils fré­quentent les clubs parisiens depuis l'aube des années 70 et ne savent plus vraiment ce qu'est faire l'amour à deux dans le lit conjugal...

Juridiquement parlant, le statut légal des « clubs de ren­contres » n'existe pas ! Dans les fichiers de la préfecture de police, on parle de débits de boissons (ils ont tous la licence IV), restaurants, bars ou discothèques. « Leur ouverture dépend en fait du bon vouloir des autorités, constate un poli­cier de la BRP. Actuellement, sur Paris, la tendance préfecto­rale est à la tolérance. Tant qu'il n'y a pas de rixes, trafics de drogue, prostituées au sein de ces établissements ou plaintes des riverains pour tapage nocturne, on laisse couler. Il faut reconnaître que les interventions de la police dans les clubs de partouzes sont rarissimes. Les gens s'y rencontrent dans un but bien précis et tout se passe sans problème. » Reste que le préfet, dont la signature est indispensable pour que tous les commerces parisiens puissent exercer la nuit, rechigne tou­jours à cautionner de son propre nom ces structures compro­mettantes. Résultat : les autorisations d'ouverture sont tacite­ment reconduites, mais sans qu'aucune autorité compétente n'ait apposé sa signature légale sur un document administra­tif ! Un point de détail qui montre à quel point ces disco­thèques ne sont que tolérées par les pouvoirs publics.

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Ces boîtes, pour s'attacher une clientèle exigeante et volage, se paient les ser­vices de prostituées occasionnelles pour égayer leurs bacchanales. Plus que sur leurs atouts physiques, les filles sont recrutées pour leur tempérament et leur ouverture d'esprit. Ainsi, tel patron d'un club du XVIIe arrondissement va rétri­buer son « animatrice » au nombre de fellations que celle ci effectue dans la soirée. Un autre propriétaire d'une « discothèque pour couples » parisienne organise des exhibitions bi­dons de starlettes du X amateur. Une fois leur chorégraphie achevée, ces fausses danseuses filent sur les sofas pour câli­ner les hommes seuls... Autre procédé classique auquel cer­taines boîtes s'adonnent sans modération : « l'invitation de dames seules ». À deux, trois ou cinq, de soi‑disant « femmes libérées » débarquent à minuit passé dans certains clubs complaisants, habillées de tenues hautement provocatrices. Bizarrement, elles ne paient ni l'entrée, ni leurs consomma­tions. Délurées, elles n'hésitent pas à « chauffer » la clientèle en dansant, nues, au milieu des couples et en masturbant les messieurs seuls à une cadence effrénée. La présence de ces « animatrices » n'a rien de spontané. Recrutées directement par les clubs et payées au forfait (souvent de huit cents à mille francs la nuit), ces belles sont aux partouzes ce que les hôtesses sont aux bars de nuit : de vulgaires entraîneuses, prostituées à l'occasion et selon leur humeur. Si le feeling passe avec un partenaire « pêché » sur la piste de danse, la fille s'envoie volontiers en l'air. Si l'homme lui plaît modéré­ment, elle se contente d'une fellation expéditive ou d'un bref jeu de main.

Cette pratique est si répandue que trois « agences », à Paris, se sont spécialisées dans l'escorte de riches clients étrangers dans les clubs de rencontres. L'une d'entre elles, qui passait jadis des publicités dans la presse, a le monopole des hommes d'affaires japonais et coréens en virée nocturne.

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Souriante, avenante et dis­ponible, Diane Dubois surveille tout ce beau monde avec un indicible et parfait professionnalisme. Au milieu des années 90, l'établissement atteint une telle notoriété qu'il devient une étape incontournable des nuits canailles du show biz parisien. Ce n'est peut être pas un hasard si Michel Blanc, virtuose talentueux de l'auto parodie, croise dans son film Grosse fatigue un automobiliste qui l'interpelle insolemment à propos de ses escapades nocturnes « chez Denise »...

Victime de son succès, le lieu draine depuis peu une clien­tèle peu recommandable, qui, refusée par les autres boîtes pour couples, vient régulièrement s'échouer rue Quincampoix vers 3 à 4 heures du matin. Mal rasés, les cheveux gomi­nés, bottes de croco et ceinturon voyant, ces gouapes des nuits parisiennes ont entendu dire qu'au « 41 », la fellation est comprise dans le prix, modique, de la consommation. Nerveux en cas de refus d'un câlin buccal, ces sinistres indi­vidus ont le verbe haut et le coup de tête facile. « Il faut faire gaffe, beaucoup d'entre eux sont calibrés » constate, effaré, un policier, avant d'ajouter: « Denise devrait être plus sélec­tive. »

Excellente affaire commerciale, le « 41 » a vite vu apparaître une copie, pâle, située dans l'obscur sous sol d'une taverne de la rue Geoffroy Langevin, juste derrière Beaubourg. Là, le Bouche à Oreille a été inauguré il y a un an par l'ancien barman du « 41 », un certain Gérard, noctambule bien connu des chaudes nuits parisiennes. Ni club pour couples, ni « discothèque baisante », le Bouche à Oreille a strictement reproduit la configuration intérieure de Chez Denise. On s'y soûle et frotte au sous‑sol et l'on s'y mélange dans un sombre « salon contact » du premier étage, lieu de débauche qui jouxte des toilettes dont l'hygiène, certains jours, laisse gravement à désirer. Pour égayer des fins de nuit pathétiques, la direction organise bien des soirées sadomasochistes, mais la sulfureuse alchimie que l'on trouve dans les alcôves de la rue Quincampoix ne prend décidément pas.

Alban Ceray, l'ex associé de Diane Dubois, a ouvert quant à lui le Clos, un piano bar installé dans le quartier de Saint ­Germain des Prés. Hélas, vu la beauté plus que relative des femmes fréquentant l'endroit, Alban, proche du coma éthy­lique dès minuit, a toutes les peines du monde à rentabiliser sa triste affaire. Il faut dire que la concurrence est rude.

En effet, à Paris, les vingt boîtes spécialisées font l'impossible pour séduire la clientèle potentielle d'échangistes et s'approprier une part de ce juteux marché : le Pluriel Club, rue François Miron, propose par exemple à ses visiteurs de se mélanger dans le décor médiéval d'une authentique demeure du XVIe siècle, classée monument historique par le maire de Paris en personne. Le 10 bis, rue du Débarcadère, dans le XVIle arrondissement, possède un ascenseur menant à quatre chambres. Les « salons câlins » qui y ont été installés dans un ancien hôtel du quartier, rappellent les « claques » de la Belle Époque. Les clubs « 46 » et « 114 », établissements situés à Argenteuil (Val d'Oise) et à Boulogne‑Billancourt (Hauts de Seine), comprennent des saunas, bains à vapeur, tables de massage et douches. Dans ces « aquaboulevards » de la gali­pette, on se croise en peignoir et l'on se mélange au ham­mam. Au 41, rue de La Rochefoucault, près de Pigalle, un bar‑club s'est même spécialisé dans l'accueil des couples dont monsieur aime regarder madame s'occuper de plusieurs amants. Ouvert l'après midi, l'endroit reçoit donc les hommes seuls ou accompagnés. Les femmes qui viennent y consommer les mâles à haute dose sont parfois d'une beauté sidérante ! Autre concept, assez étonnant : le « restaurant non conformiste ». À Paris, le Duo du Roule et l'Imprévu (15 et 16. rue du Roule) invitent des couples dans leur salle à man­ger un peu particulière. En attendant que les plats arrivent en salle. tout le monde s'envoie en l'air sur les tables...

Dès l'entrée dans ces chauds lieux de rencontres, l'usage veut que l'on vous appelle par votre prénom, qui est ensuite recopié sur une carte, papier où seront ultérieurement comptabilisées vos consommations. Les habitués jouent le jeu. Les néophytes, partouzeurs honteux ou paranoïaques, qui voient une tentative de fichage, s'inventent des surnoms.

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On évalue à cent soixante mille le nombre de personnes qui y adhèrent chaque année. Ces droits d'inscription leur coûtent de cinq mille à trente mille francs, selon la longévité du contrat et le prestige de la société. Bref, dans l’hexagone, le commerce marital semble inépuisable. Qu'importe si la moitié de ces boutiques met la clé sous la porte chaque année, pour réapparaître quelques mois plus tard sous un autre nom. Ce capharnaüm juridique, qui brasse annuelle­ment plus de deux milliards de francs, attire depuis belle lurette les réseaux de prostitution les plus variés. Prostitution de luxe, surtout. Le célèbre réseau de call girls Diane, dirigé Roger Sebbagh et Edwige Pages, utilisait, pour sa façade, une agence matrimoniale des plus honorables. Madame Pages avait racheté cette société en faillite au début des années 80. Les quarante « dames seules à la recherche d’un mari sincère et passionné » présentes au catalogue ren­contraient exclusivement des hommes d'affaires pressés. L'idylle ne durait jamais bien longtemps, d'une nuit à un week end grand maximum. Ces liaisons senti­mentales lapidaires n'empêchaient pas certains courtisans d’offrir à leurs galantes des cadeaux aux coûts prohibitifs : montres Cartier, manteaux en renard et colliers de perles. Eternellement délaissées, ces jeunes filles victimes de l’attitude masculine se consolaient vite en reversant dix mille francs par mois au couple d'entremetteurs qui, bons pinces. leur retrouvaient régulièrement des prétendants

Ces importantes sommes d'argent en liquide étaient réinjectées, via des exercices comptables fumeux, dans l'authentique agence matrimoniale dont les comptes, pourtant en déficit chronique, affichaient ainsi du jour au lendemain une excellente santé financière...

Autres sociétés, plus prudentes, réalisent l'opération inverse en recrutant des mannequins masculins , gigolos et autres « escort‑boys ». Trois agences, installées dans les XVIe et XVIIe arrondissements parisiens, s'enri­chissent grâce à ce procédé inavouable.

On perd du temps. Le réalisateur a alors une idée forte : « Elle est trop tendue. Offrez‑lui un verre de cognac. J'en ai apporté un excellent. L'alcool va lui détendre le sphincter. » Les yeux noyés de larmes, la débutante ingurgite en catastrophe le digestif sous le regard encourageant de son homme. On enchaîne. La troisième pénétration est un désastre. La fille, un peu soûle, bascule en  dans une crise de tremblements, ce qui provoque l'irritation générale. L'échangiste transalpin braille des insultes en italien, le réalisateur s'en prend au photographe, qui, lui, aboie après son amie. Terrorisée, elle accepte finalement un autre verre de cognac. Au bord de l'évanouissement, en état d’ébriété, elle reçoit finalement avec succès une sodomie musclée sous les yeux de son « accompagnateur » qui, excité lui murmure: « Oh, oui, j'aime quand tu es vicieuse avec un autre mec! » Alain est rassuré. Son « amie » touchera bien les mille cinq cents francs de cachet et il pourra enfin s'acheter ce nouveau casque de moto dont il rêve depuis deux semaines...

AIain est un nouveau proxo. A trente cinq ans, il se lève à midi et se rase tous les trois jours. Son visage de reporter, son look étudié de globe trotter, ses appareils photo en bandoulière, sa grande taille et ses beaux yeux verts plaisent aux femmes. Il en profite. Il en abuse. D'autant plus que dans le milieu du porno, le seul dans lequel l'homme ait quelques compétences, les filles ne sont pas vraiment exi­geantes.

La première femme d'Alain était thaïlandaise. Lors d'un voyage touristique à Pataya, haut lieu de prostitution d'Asie du Sud Est, il a pêché Thaï Me, jeune danseuse de dix neuf ans à la poitrine lourde, dans un bar sordide « J'ai tout de suite craqué sur elle. Pour une Jaune, elle avait des seins superbes... Ce qui est rare! Je n'ai pas laissé passer une telle occase » aimait il répéter à ses amis. A l'époque, Alain, qui traversait une mau­vaise passe, louait un sombre deux pièces dans un HLM  de Neuilly Plaisance, en Seine Saint Denis.

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Et si une certaine frange de l'opinion pense qu'il y a analo­gie, connivence voire complicité entre pornographie et prosti­tution, ces hommes là en sont largement responsables. En marge de ces individus, il existe des hardeuses heureuses, célibataires et épanouies, à l'instar de la superbe Française Laure Sainclair, à qui le magazine Elle, pourtant peu suspect de sympathie pour la pornographie, consacrait une page entière dans son numéro de décembre 1996. Les réalisateurs de talent, authentiques créateurs qui n'envisagent pas de fil­mer sans un souci quasi obsessionnel de l'esthétique, existent aussi, comme, entre autres, l'américain Andrew Blake. Le quotidien Libération, que l'on ne peut sérieusement soup­çonner d'indulgence pour le X, lui accordait récemment un article élogieux. Aussi ne faut‑il pas systématiser, sombrer dans la paranoïa moralisatrice, voir le « mac » partout et assi­miler, par un raccourci abusif et inexact, pornographie et prostitution. Ce serait anéantir les efforts d'éditeurs et de réa­lisateurs de films X qui, en quête d'une légitime respectabi­lité, cherchent depuis des années à bouter hors du métier cette sinistre engeance. De prestigieux producteurs comme Marc Dorcel, le « Gallimard du X », Colmax ou la société de production californienne Vivid sont les premiers à se plaindre des ravages que ces profiteurs du sexe faible occasionnent dans leur profession. Les réalisations vidéo de ces éditeurs haut de gamme, loin de répandre une idéologie du viol et de la domination masculine, réhabilitent en revanche l'idée de réciprocité du plaisir sexuel entre hommes et femmes...

Mais, en dépit de cette vigilance, une pléthore de petits proxénètes continuent à gangrener la nébuleuse du « X busi­ness », et ce à l'échelon européen. La preuve? Pour vérifier l'axiome, il suffit de se promener sur un grand salon érotique, à Milan, Barcelone ou Paris, où la concentration de proxé­nètes au mètre carré est bien supérieure à celle du port de Hambourg ou du quartier rouge d'Amsterdam. Les dizaines de comédiennes gravitant dans la galaxie du X ne viennent jamais seules sur ces salons. Elles ont toujours, dans leur sil­lage, un « ami », un « mec », un « agent », voire un « mari »

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Ces individus, qui se res­semblent physiquement, négocient les contrats, surveillent les faits et gestes de leurs protégées, se mêlent de tout, s'ins­tallent partout, vivant, grassement, aux frais des productions. Il faut les voir parader, portable en main, bottes de cuir et ceinturon voyant, concluant des petites affaires, glanant cinq cents francs par ci, mille francs par là, en se donnant des airs importants. Ils ont la certitude d'être branchés, dans le coup, et que rien, dans le business du porno, ne peut se faire sans eux. Ne sont‑ils pas des êtres d'exception, des « VIP » du vice à l'ascension sociale fulgurante, voyageant sur les tour­nages à travers le monde entier ? Le verbe haut, ils ont un avis sur tout et sont sans cesse « sur un gros coup ». Mytho­manes, ils s'inventent un passé d'aventurier, d'homme d’affaires, d'artiste dans le show  biz. En orfèvres du parasi­tisme, ils squattent les téléphones pour appeler aux Etats ­Unis, se bâfrent sur les repas des productions et finissent discrètement les verres pendant que leurs femmes s'envoient en l'air devant les caméras. Beaucoup d'entre eux s'impro­visent, du jour au lendemain, « photographes profession­nels », s'appropriant dans la foulée l'exclusivité des droits à l'image de leurs protégées. D'autres, qui allient le vice à la vénalité, se proclament comédiens et s'imposent dans les cas­tings pour tourner aux côtés de madame. Bref, ils vivent sur les belles. Et quand, dans un éclat de lucidité, celles‑ci se débarrassent parfois de leurs pique‑assiettes, ils se retrouvent aussitôt au RMI. « Leur présence est logique. Dans ce métier, éprouvant, les hardeuses ont besoin d'un mec qui les équilibre et qui les sécurise » explique, magnanime, un réalisa­teur. « Des "mecs" ? Des "agents" ? Parlons plutôt de proxé­nètes planqués » rectifie un policier. « Par méconnaissance de la nébuleuse du porno et à cause du vide juridique, nous ne pouvons strictement rien contre ces souteneurs‑là » constate, amer, le lieutenant : « Que ces messieurs se ras­surent, ils peuvent s'enrichir en toute impunité. »

Contrairement aux « julots casse‑croûte » des quartiers chauds, en voie d'extinction, ces souteneurs new‑look n'ont souvent même pas conscience de leur véritable statut. De toute façon, ils se trouvent toujours de bonnes excuses. À les écouter, ces hommes là n'agissent que par pur altruisme, par « amour », même! Mais jamais pour l'appât du gain. Et si cet imprésario encourage ses comédiennes à tourner sans préser­vatif, c'est évidemment pour leur bien, pour qu'elles puissent travailler chaque mois sans connaître le chômage... Tant pis si, infectées par le virus HIV, elles s'échouent en unité de soins intensifs à La Salpêtrière. Et si tel agent de casting pousse ses jeunes recrues à accepter des gang‑bangs, c'est uniquement pour qu'elles gagnent plus d'argent sur leurs contrats. Qu'importe si les conséquences médicales et psy­chologiques sont désastreuses.

Le « gang bang »... Cette pratique, sordide, est au fond assez symptomatique de la fâcheuse tendance qu'ont certains réalisateurs de films X à confondre femmes et viande. Née aux États‑Unis au milieu des années 80, elle consiste à livrer une comédienne, présentée comme une insatiable nympho­mane, à dix, vingt, trente... cent partenaires en rut!

Le record d'abattage était détenu, jusqu'en avril 1996, par l'Américaine Annabelle Chong, avant qu'une autre comé­dienne de vingt deux ans dénommée Jasmine Saint Clair ne vienne ravir ce triste trophée. Mademoiselle Chong, petite brune d'origine coréenne vivant à Los Angeles, a soulagé deux cent cinquante et un hommes, à la chaîne, durant cinq heures d'affilée, sous l'objectif d'une caméra! Jasmine Saint Clair, elle, a relevé le défi en prenant part, le 19 avril 1996, toujours à Los Angeles, sur Santa Monica Boulevard, au plus grand gang‑bang de tous les temps : trois cents hommes se sont succédés pendant douze heures non stop... Commentaire essoufflé de la belle, juste après sa prestation : « J'aime cho­quer, c'est comme ça qu'on devient célèbre. »

Le réalisateur de ces films hauts en romantisme est améri­cain et s'appelle John T. Bone. Cet individu, un spécialiste du porno de caniveau, a conquis ses lettres de noblesse en persuadant les plus belles hardeuses californiennes de systé­matiquement faire leur propre gang‑bang. Dont la comédienne Savannah, magnifique blonde qui se suicidera quel­ques mois après son pathétique exploit...

En France, d'autres hommes, proxénètes dans l'âme mais moins « sentimentaux », ont compris que l'exploitation de plusieurs filles rapportait beaucoup plus que vivre aux crochets d'une seule comédienne. Ce sont les incontournables « agents de casting » qui pullulent dans le milieu de la porno­graphie. Leur rôle consiste à recruter des débutantes pour les productions X. Ce sont des hommes comblés, puisque la crise économique rabat une foule de nouvelles recrues dans leurs filets. Miracle de la récession : ces « chasseurs de zup » n'ont même plus besoin de rôder dans les mauvaises galeries commerciales et les discothèques glauques de grande banlieue. Par centaines, les jeunes femmes en galère viennent d’elles mêmes à eux...

Indispensables pour renouveler les corps et les visages dans la galaxie du hard, ils sont incessamment sollicités par les réalisateurs et les producteurs. D'où leur insolence et leur cynisme. « Au lieu de se faire sauter par un petit chef de ser­vice qui les harcèle pour cinq mille balles par mois, ces femmes préfèrent bosser dans le cul, prendre leur pied et aussi prendre du fric. À leur place, je ferais la même chose » jubile l'un d'eux, hilare. Installé au sommet d'une tour de Créteil, l'homme, un ancien marchand de pizzas de Mont­pellier, passe ses journées à photographier des caissières, coiffeuses, secrétaires, chômeuses, petites fonctionnaires et modestes employées de bureau attirées par une annonce allé­chante passée dans un grand quotidien : « Agence artistique recherche modèles sexy pour photographies de charme. Possibilité de rémunérations importantes. » Il reçoit dans un appartement aux murs crasseux, tutoie systématiquement les jeunes visiteuses et propose, au bout d'un quart d'heure d'entretien, un « essai de nu au caméscope ». L'homme explique, sans rire : « Sur cent filles qui transitent ici, dix ont du charme, cinq du porno. À moi de faire le tri. Sur ces cinq‑là, j'en saute une ou deux tout de suite. » D'un air entendu, il désigne un canapé‑lit maculé de salissures

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Ce sont souvent les grands frères qui jouissent sur toute la famille d'un certain ascendant. La mère les craint, les petits frères les admirent. Si une de leur soeur est mignonne, bien faite, pas trop farouche et en situation de vulnérabilité psychologique, ils la poussent volontiers à se prostituer. Souvent, ils sélectionneront eux ­mêmes les clients parmi leurs connaissances et surveillent les passes. Tout cela ne sort pas de la famille. Bien entendu, ils gèrent aussi le capital financier de leurs protégées. Même dans leur proxénétisme, ils sont restés machos.

En fait, le proxénète moderne présente mille visages. Et il opère souvent là où personne ne l'attend. En France, en 1994, les statistiques de l'OCRTEH nous apprennent que sur les neuf cents souteneurs mis en cause par la police, vingt et un pour cent sont des femmes et dix‑neuf pour cent sont d'origine étrangère (dont soixante‑neuf pour cent venant du Mag­hreb).

Mais le nouveau mac a su brouiller les pistes et s'infiltrer insidieusement dans tous les milieux. Le milieu homo, par exemple, dans lequel Jean Gabriel P., gay lui même, proposait depuis octobre 1995 des « jeunes minets » sur catalogue. Têtes d'ange mais corps d'enfer, les mignons éphèbes, âgés de dix huit à vingt cinq ans, étudiants, mannequins, parfois lycéens, étaient recrutés sur Minitel. Les nombreux « mes­sieurs compréhensifs » qui consultaient l'album photo devaient payer cinq cents francs à « Jean‑Gabriel l'inter­médiaire » pour obtenir le téléphone des jeunes garçons, consentants puisque commissionnés. Le « proxo rose » qui, à vingt cinq ans, habitait un bel appartement proche du Troca­déro est tombé dans les filets de la BRP.

Aussi les souteneurs actuels proviennent‑ils bien de tous les horizons, sans exception. Et si le proxénétisme vit du corps d'autrui, il sait aussi s'immiscer dans tous les corps de la société.

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Ces organisations clandestines ont en plus des ramifica­tions multiples : salons de massage, saunas, Éros Centers, boîtes échangistes, discothèques, bars à hôtesses, et jouissent de têtes de pont à Paris, Rome, Londres, mais aussi à Hambourg, Rotterdam et Bruxelles. C'est justement là que le bât blesse : la configuration juridique de l'Europe de Maastricht enchante les industriels du proxénétisme intercommunautaire.

Ces « euroviandards » s'amusent de cette Europe qui, en matière de prostitution, est toujours déchirée entre les pays « abolitionnistes » et les états « réglementaristes ». Les abolitionnistes, dont la France, l'Espagne et l'Italie, pensent que la prostitution, bien que tolérée par les pouvoirs publics, est un mal à éradiquer. Cela passe par la suppression des régle­mentations policières, l'interdiction absolue des manifesta­tions visuelles de la prostitution et la prévention de ce fléau auprès des jeunes. Le proxénétisme, quant à lui, est l'objet de sanctions pénales très sévères. Les nations qui adoptent cette législation ont toutes signé, le 2 décembre 1949, la Convention des Nations unies en faveur de « la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d’autrui ».

En revanche, pour les pays réglementaristes, comme la Hollande et l'Allemagne, se prostituer est, outre une réalité sociale incontournable, un droit d'utiliser son corps librement et un mal nécessaire qu'il faut gérer au mieux. Ainsi, en Hol­lande, l'État enregistre les filles sur des fichiers, leur remet une carte officielle de police et réalise des contrôles médicaux suivis. Et, à Amsterdam, c'est sous l'oeil amusé des policiers municipaux que des milliers de prostituées s’exhibent en vitrine. « Depuis la naissance de l'Europe com­munautaire », constate le commissaire Martinez, ex-numéro un de l'OCRTEH, aujourd'hui patron de la cinquième divi­sion de police judiciaire (5e DPJ), « les proxénètes ont de plus en plus tendance à s'établir dans les pays dont la législation leur paraît favorable. Ils savent que les mouvements sont moins bien contrôlés aux frontières. Ils en profitent. »

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 La prostitution aime communiquer avec les révolutions technologiques. Dans les années 80, des milliers d'amazones avaient été les premières à investir massivement le Minitel, pionnières de la télématique permettant à d'honorables groupes de presse et d'édition d'amasser des fortunes colossales. A la veille de l'an 2000, leurs grandes soeurs s'installent donc logiquement sur Internet et utilisent la culture des réseaux pour échapper aux deux endémiques bêtes noires que sont la surveillance policière et la mainmise des proxénètes. « Au même titre qu'aux États‑Unis, certains penseurs de la contre culture, pour se soustraire à la censure et aux pressions perverses, passent leurs idées libertaires via les newsgroups qui se multiplient sur le Net comme les prostituées du monde entier s’inscrivent maintenant sur Internet et jouissent d'une autonomie de communication totale. Elles ne dépendent plus du minitel, très coûteux, et entrent directement en contact avec une clientèle ciblée et aisée » analyse Benjamin Janssens, journaliste spécialisé dans le multimédia. Tous les internautes dignes de ce nom connaissent d'ailleurs le site « The World Sex Guide » (code d'entrée: The World Sex Guide at http ://www.paranoïa.com). Sur cet important site Web, fréquenté des visiteurs du monde entier, on trouve une banque de renseignements absolument étonnante sur la prostitution internationale. Cela va de l'adresse, du téléphone et des tarifs des professionnelles d'une petite bourgade de l'Alabama aux coordonnées des bars à hôtesses de Toulouse en passant par les pratiques et les prix des dominatrices écossaises... Bref, il semble que les autoroutes de l'information bifurquent parfois vers la perversion.

Mieux : par dizaines, les prostituées parisiennes se sont introduites sur les newsgroups. Les newsgroups, ou « groupes de parole » sont des forums dans lesquels chaque connecté vient librement raconter ses expériences et confron­ter des idées. Ceux‑ci, gratuits et simples d'accès, n'ont pas manqué d'attirer une foule d'indépendantes. En toute impu­nité, elles y ont déposé leurs téléphones privés accompagnés de curriculum vitae racoleurs du style : « Cynthia, brunette aux yeux verts de 28 ans, très belle poitrine (90 C), se déplace à votre domicile ou à votre hôtel, Paris intra‑muros. Appeler à partir de 13 heures au... Anglais et allemand parlé. »

Contactée, Cynthia, charmante métisse à la poitrine avan­tageuse, ne tarit pas d'éloges sur la clientèle d'Internet : « Ces réseaux attirent des hommes décidés et triés sur le volet: tout le monde n'a pas accès à Internet sur un ordina­teur. Grâce à cette sélection, je reçois aujourd'hui des Allemands, des Suisses et des Américains qui paient en marks ou en dollars. Sans cette connexion, je n'aurais jamais pu fré­quenter cette clientèle internationale friquée. Je me suis ins­crite sur ce site il y a deux ans et, aujourd'hui, je n'ai plus besoin du Minitel. Je connais une dizaine de pros qui ont fait comme moi. Elles n'ont pas d'ordinateur chez elles, alors elles se sont arrangées avec certains clients bien placés dans l'informatique pour déposer leurs textes. Peut‑être que, dans dix‑quinze ans, Internet bouffera les serveurs télématiques roses... Les clients du 36 15 et d'Internet sont si différents. La semaine dernière, j'ai reçu un jeune homme de vingt deux ans, passionné d'informatique et de multimédia. Un garçon un peu timide, mais adorable, qui est venu chez moi unique­ment pour tester la crédibilité du site Web "Eros World of Paris"... Ce genre d'homme est introuvable sur le Minitel. »  En plus des nombreuses adresses et coordonnées télé­phoniques d'une multitude de prostituées, ce site propose à un internaute travaillé par l'aiguillon de la chair un choix assez étendu de perversions. Ainsi, douillettement installé devant son écran, celui ci peut entrer en contact avec « Bambi », magnifique transsexuel parisien adepte du massage californien, « blonde hermaphrodite de vingt‑sept ans. Corps d'Ève, sexe d'Adam. Un mètre soixante dix, de longues jambes en porte‑jarretelles noirs. Qui ne connaît pas Bambi ne connaît pas Paris ». Il a aussi la possibilité de prendre rendez‑vous chez « Sofia », maîtresse SM qui assure, 24 heures sur 24, un service de cravachage d'urgence à domicile » sur Paris et sa banlieue. Et, si le coeur lui en dit, il peut enfin planifier une visite à l'Institut Brey, un salon de massage de la rue de Brey Paris XVII) spécialisé dans la « lutte » et le « corps à corps » avec des « techniciennes expérimentées », comme le précisent ses publicités! Internet, sur lequel la liberté d'expression est totale, permettant aussi aux péripatéticiennes spécialisées d'aller directement dans le vif du sujet. Par exemple, sur « Eros World, telle dominatrice « Cuir et métal », officiant dans le XVII arrondissement, n'hésite pas, à côté de son numéro de téléphone portable, à inscrire: « Je suis Cuir et métal, tu me dois le respect. Tu lécheras mes cuissardes, tu demanderas pardon de n'être qu'un mâle rampant à mes pieds. Tu as toujours rêvé de moi. J'existe. Viens. » Inutile de préciser que, sur un serveur rose du Minitel, cette licencieuse carte de visite serait vite déconnectée... On remarque ailleurs que réapparaissent justement sur les sites Web permissifs, des publicités jadis interdites dans Pariscope. « Emmanuel, sublime transsexuel non opéré de 27 ans sexy et très féminine, 120 cm de tour de poitrine »

Autre résurgence qui ne manquera pas d’intéresser les policiers de la BRP : celle d'une bonne cinquantaine de masseuses thaïlandaises et vietnamiennes toutes, sous le pseudonyme « Ying‑Yang », dans des salons de massage proches de Pigalle et de la Porte de Choisy. Ces boutiques, propriétés de deux hommes d'affaires asiatiques, seraient d'actives plaques tournantes pour les filles installées à Paris par les puissantes triades chinoises...

En marge des galantes tarifées qui pullulent sur le Web, les newsgroups recueillent quant à eux les témoignages et les conseils d'une foule d'amateurs anonymes, souvent anglais et américains, « initiés » qui ont testé en grandeur nature les nouveaux lieux chauds du « Paris canaille ». Ainsi, un texte daté de décembre 1995 inscrit sur le newsgroup intitulé « Alt.sex.prostitution » est destiné aux connectés célibataires adeptes des virées nocturnes.

Rédigé en anglais par des internautes férus du Paris by ­Night, le rédactionnel indique, avec force détails, l'itinéraire idéal à suivre pour trouver des transsexuels sur la capitale : « If you like travesties, you will like the Boulogne wood. Go to the Porte d'Auteuil. Follow the sign "Porte de Boulogne" 600 meters after. You’ll arrive to a small round turn. Take on the right. Here you are. The Allie de la Reine Marguerite is nowadays the only good scene here. From 9 pin to 3:00 am you can find dozens of travesties working here. » Toujours dans la langue de Shakespeare, une explication très précise de la façon dont le rôdeur noctambule doit aborder les travestis et négocier les tarifs des fellations et sodomies : « Now it costs 200 FF (say, US 40 dollars) for a blow job or an anal fuck in your car, sometimes 300 FF. »

Long d'une bonne vingtaine de pages, ce petit parcourt, balisé à l'attention du yankee érotomane dresse aussi une car­tographie extrêmement précise et bien informée des actuels lieux de débauche à Paris, des bars à hôtesses du quartier de Ternes (« american bars ») aux filles en fourgonnettes du bois de Vincennes (« young women in little vans in the Vincennes wood ») en passant par la rue Saint‑Denis. À chaque fois, les prix moyens des passes et un descriptif très rigou­reux des prostituées et de leurs pratiques sont indiqués. Déci­dément très complet, ce petit guide rose du « queutard » vir­tuel va jusqu'à expliquer comment échapper aux descentes des policiers parisiens : « The new technique of french police consists in coming like a commando, with special trucks. If the police arrives, go quickly to your car. » Les auteurs de ces lignes, dont le circuit coquin ne néglige aucun quartier, n'oublient pas de sensibiliser le touriste américain à la haute dangerosité épidémique des boulevards extérieurs : « At night, you can also meet young prostitues on "les boulevards des Maréchaux", where you can meet plenty of young girls from Porte de Clichy to Porte de Vincennes. But be very prudent. Safe sex is mandatory »...

En guise de conclusion, les rédacteurs de « Alt.sex.prosti­tution » se lancent dans un vibrant hommage au bois de Bou­logne, incontournable étape de la nuit parisienne qui reste, malgré sa « fermeture », très visitée par la clientèle des globe trotters anglo‑saxons : « The Bois is the only place in Paris where you can have an anal fuck for a decent price. If anyone knows another place, tell me ! »

Il reste cependant une ombre, sur l'écran des connectés Internet, par définition, consacre le règne absolu du virtuel, du tout‑visuel, de l'abstrait. Et si l'internaute est une per­sonne au gros pouvoir d'achat, c'est d'abord un consomma­teur effréné d'images génératrices de sensations fortes. Aussi l'explosion d'Internet peut‑elle sécréter un effet pervers en se révélant nuisible à la prostitution, qui exige de la part du client une démarche volontariste peu anodine : transgression d’un tabou social, déplacement chez la professionnelle, coût financier de la passe, risque de contracter une MST... Adeptes du cocooning, la majorité des mordus du multimédia vont donc préférer, au grand dam des prostituées, agir en fantasmeurs en se masturbant tranquillement, chez eux, derrière leur écran. L'industrie du porno a parfaitement compris cette tendance, puisqu'elle commercialise sur le marché des CD‑Rom de charme interactifs en pagaille. À ce titre, l'érotisme virtuel sur ordinateur prépare sans doute le retour de nouveaux quartiers chauds, lieux de plaisir où ceux qui préfèrent l'action aux fantasmes visuels viendront concrètement assouvir leurs pulsions.

Qui seront les prostituées de demain? La réponse à cette vaste question se trouve peut‑être dans les propos, audacieux ­et dérangeants, de Morgane. Morgane, occasionnelle de vingt‑quatre ans, licenciée de droit inscrite sur le site Web « Eros World of Paris » d'Internet est hôtesse de l'air par intérim. « Belle comme la femme d'un autre », aurait dit Jean ­Cocteau de cette brune élancée aux traits d'une finesse extrême. « Si je me prostitue, c'est le fruit d'une décision réfléchie, personnelle et intime. Cela ne regarde que moi. L'argent que j'en retire m'offre la liberté de faire ce que je veux quand je le veux. Liberté de choisir mes amants. Liberté de ne pas dépendre d'un homme. Je suis heureuse. Dan­s votre livre, dites bien que les prostituées heureuses existent ­aussi. Je déteste la caricature que la télévision fait systéma­tiquement de la prostitution. L'image de la pauvre pute en mal d'amour et de repères, gentille fille toujours victime d'un ­engrenage arrange tout le monde, les médias en tête. Cette ­vision, politiquement correcte, évacue le problème. Le pro­blème, c'est qu'il existe des prostituées équilibrées et épa­nouies, ni camées, ni paumées, comme moi. Mais on ne peut ­pas raconter cela à des millions de gens, ce serait dangereuse­ment immoral et peut‑être que beaucoup de jeunes filles vou­draient m'imiter... Ce statut d'occasionnelle bien dans sa ­peau qui sait gérer sa prostitution, je ne le revendique pas, je n'en tire aucune gloire et aucune honte. Je l'assume, point. En tout cas, je ne me mens pas à moi même. Et je me sens bien moins pute que ces employées qui couchent avec leurs supérieurs pour prendre du galon, ou que ces jeunettes qui se font entretenir par des vieux qu'elles détestent. Dans ma tête. Les choses sont limpides. Non, je ne suis pas la pathétique esclave du trottoir. Non, je ne suis pas prisonnière d'une pseudo‑spirale de solitude affective et de détresse psycho­logique. Je suis simplement une femme libre qui a réussi à se libérer d'un monde d'hommes en se prostituant, en manipu­lant ces messieurs là où ils sont d'une incroyable faiblesse la sexualité. Où est le mal ? En suis je pour autant, comme il est écrit dans la Bible, une "pécheresse" ? »

Pécheresse, Morgane l'est assurément aux yeux de notre société. Pécheresse comme cette jeune femme qui, dans l’Évangile selon saint Luc (chapitre 7), lave les pieds du Christ de ses larmes pour ensuite les essuyer de ses longs cheveux. Seul personnage de la Bible à nouer avec le fils de Dieu une relation charnelle, la prostituée se voit même absoute de ses fautes par un Jésus‑Christ étonnamment tolé­rant qui assure: « Ses nombreux péchés ont été pardonnés car elle a beaucoup aimé. »

Commentaires.

C’est une livre très descriptif qui a parfois tendance à être un manifeste pour la prostitution et parfois un manifeste contre.

Depuis 1997 les choses ont changé et Internet n’est plus vraiment un lieu interdit à quiconque quoi que ce soit surtout la jeune génération qui a investit ce milieu. La misère affective est paradoxalement « soignée », du moins parfois, par les nombreux sites de rencontre.

Les occasionnelles existent, mais la concurrence est rude devant la concurrence. Etre vénal(e) est possible, en respectant une certaine déontologie mais faire jouer la concurrence est aussi possible, surtout quand certain(e)s font gratuitement ce que d’autres font payer.

Bref, la technologie a modifié tous les secteurs y compris ceux de la prostitution comme les autres et ici comme ailleurs écrire un livre un jour n’est pas la garantie qu’il sera vrai le lendemain : la preuve en est que le minitel est aujourd’hui fini, de l’aveu même d’un des président de France Télécoms. 

12 août 2004.

Arcan, Nelly. Putain. Paris : Editions du Seuil. Collection « Points ». Septembre 2001. 187 pages. ISBN 2-02-055717-7 et ISBN 2-02-030041-8.

Lorsque l’on a 26 ans, que l’on étudie les lettres à l’Université du Québec à Montréal, que l’on a, d’un coté, le village (quartier homosexuel) et de l’autre les « Peep Show », que de « brillants et jeunes auteurs français » soulèvent les masses avec le « cu culturel », il n’y a pas de raisons de ne pas tenter sa chance, même si l’on écrit sans se documenter et en une seule fois. Mais il faut avouer que la formule de cette jeune blonde était intelligente et permet que l’on se pose la question « a-t-elle été vraiment putain ? » ce qui n’est, évidemment pas le cas, mais c’est bien cela le fond du problème. Le reste n’a pas vraiment d’intérêt, même si lucidement, Nelly Arcan dit qu’elle fait des études pour faire joli, pour l’esthétique mais pas pour entrer sur le marché du travail. On veut bien la croire, avec quelques autres livres du genre elle n’aura pas à s’en faire pour l’avenir. En revanche, ce qu’elle semble bien connaître, c’est en effet les séances chez le coiffeur et la conservation de son esthétique jeunesse. Être beau, être jeune, faire des livres de cu, voilà la formule. Dommage que l’on ne maîtrise pas les deux premiers éléments.  

Bellil, Samira avec Stoquart, Josée. Dans l’Enfer des Tournantes. Paris : Denoël Impacts. 2002. ISBN 2 207 25407 0.

Extraits.

Dans le quartier, j'étais donc devenue la « meuf à Jaid ». Comme il y a le baron de Trucmuche, j'étais la meuf à Jaid, et ce nom à particule changeait ma vie. On me considérait, on me respectait, je me sentais importante.

Page 21.

Au début, il veut me tester, voir si je suis une petite « chaude ». C'est partout pareil, ils regardent s'il y a « moyen de moyenner ». C'est seu­lement quand ils voient qu'ils n'ont aucune chance qu'ils te respectent. Maintenant, j'ai de l'entraîne­ment, je ne me laisse plus faire. Je n'ai pas besoin d'employer la force. Par exemple, j'ai réussi à engrai­ner deux filles, Clarisse et Salima, pour aller voler à ma place ce dont j'ai besoin. C'est comme ça, dans les foyers : le vice à l'état pur. Gérald me respecte aussi pour ça.

Page 102.

Je n'aime pas les médecins qui prescrivent auto­matiquement Gardénal, Temesta ou Lexomil à des gens en détresse. Ils te bourrent, t'endorment et noient le poisson avec cette merde, mais ta souf­france, elle est toujours là.

Page 108.

Pourtant, quelques jours plus tard, on retrouve un couple d'amoureux assassinés : le garçon et la fille ont été violés, égorgés, éventrés, à l'endroit même où je me suis fait violer. Je n'ai plus jamais remis les pieds dans mon pays.

J'ai compris que dans ce pays de merde, il n'y a aucune justice, car la police fonctionne au bakchich. Je me console en pensant que, au moins en France, il y a une justice.

Page 122.

Car j'ai effectivement un éducateur : celui qui a reçu la fonc­tion de « s'occuper » de moi par le tribunal de Bobi­gny. En fait, son rôle se limite à faire le point avec moi, de temps en temps, à me donner un autre rendez-vous, et « salut à la prochaine »!

Page 125.

Tout d'abord, j'apprends que le jour du procès, ce n'est pas l'avocate qui s'est présentée mais un jeune stagiaire de son cabinet. Madame était aux sports d'hiver! Le stagiaire n'a rien compris a l'affaire, car elle lui a remis un dossier vide le jour du procès. Il en était tout surpris : un viol en réunion, qui passe aux assises, ce n'est pourtant pas rien!

Page 177.

Commentaires.

Samira Bellil a été violée trois fois, dans la 93, la Seine Saint Denis, le « pays des cités ». Comme elle le dit, la situation ne s’est pas arrangée depuis qu’elle a vécu cela. Quoique déstructurant, il est assez ennuyeux de lire entre les lignes que la société est responsable de tout. Car, au début au moins, c’est elle qui « couchait » avec « son mec » à l’âge de 14 ans, elle était consentante. Certes, cela n’excuse rien. En revanche cela implique que la victime devient souvent délinquante elle-même.

Les « filles à caves », les filles « taspées » « tournent » dans les caves « aménagées » ou les locaux à poubelles.

Quoi qu’il en soit si des décalages culturels parfois peu logiques, existent, cela n’explique pas tout. Il y a un problème de valeurs dont les spécialistes de la protection judiciaire de la jeunesse sont conscients. La question est de savoir si des audiences à huis clos devant la cour d’assise des mineurs changera quelque chose à l’attitude de certains jeunes envers les femmes, et si un livre, sans doute best-seller apportera une quelconque réponse à la question des « tournantes », si ce n’est souligner que ces « choses » existent.

14/04/2003.

Dupond-Monod Clara. Histoire d’une Prostituée. Paris : Grasset 2003. 211 pages. ISBN 2 246 94621 9.

Comment un grand reporter de Marianne, né en 1973 arrive à écrire un livre qui intéressera plus ou moins de monde ? Trouver une prostituée de l’Est et la faire parler. Malgré l’intérêt de l’exercice on se demande ce que la « belle » Ilena va y gagner, si ce n’est de quitter la prostitution. Et pour quoi faire lorsque l’on est en situation irrégulière en France et que la loi toujours plus dure envers les prostituées qui ne sont pas « de luxe » n’arrange rien ?

Pour une fellation les prostituées demanderont 30 Euros, pour « la totale » 50 Euros, et pour un déplacement ce sera 80 Euros. La nuit entière coûtera 1600 Euros et si les prostituées gagnent entre 9000 et 12000 Euros en écartant les jambes (qui dit mieux comme salaire), elles ne garderont que 10% de leurs gains si elles sont « maquées ».

Le problème est que là encore on est dans la victimologie. Il se trouve que la « belle » Ilena se prostituait en Bulgarie, qu’elle est venue en France en connaissance de cause et que c’est plus une question de prix qui la préoccupe que de se donner. Sur son portable, le logo affiché est le symbole du dollar. Alors, on peut plaindre les prostituées mais il y a aussi certaines limites.

10/06/2003.

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